par Benoit Poulin, ing., directeur général de l’IDP
C’est sous le thème « Inspire Innovation » que s’est tenue en novembre dernier la conférence annuelle de la PDMA (Product Development and Management Association) à Orlando, Floride. Benoit Poulin, directeur général de l’IDP, y était et nous rend compte de ce qui a suscité son intérêt lors des quatre jours d’un programme fourni en conférences et ateliers touchant l’innovation et le développement de produits.
PDMA : Une vitrine pour les bonnes pratiques
La Conférence PDMA a lieu chaque année depuis plusieurs décennies. L’événement est bien rodé et attire de nombreux intervenants en gestion de l’innovation. On y retrouve une assistance diversifiée de quelques centaines de gestionnaires de grandes entreprises, des chercheurs, professeurs et étudiants de la communauté universitaire, des consultants et praticiens, tant en provenance des États-Unis que de l’étranger.
Organisme sans but lucratif fondé en 1976, PDMA rassemble une communauté de près de 2 000 membres. Cette association est très active depuis toutes ces années à faire la promotion des bonnes pratiques et elle contribue de manière significative à l’avancement des connaissances en gestion de l’innovation et du développement de produits. PDMA offre de plus un programme de certification professionnelle, la certification NPDP (New Product Development Professional), reconnue dans le milieu.
L’intérêt de participer à cette Conférence réside dans la belle diversité de son programme : des conférences et ateliers, un forum pour les chercheurs, un prix prestigieux pour l’entreprise de l’année (OCI), un concours pour les étudiants, etc. Bien sûr, les pratiques telles que le processus Stage-Gate, les portefeuilles de projets et de produits, la Voix du client (VoC), etc. sont des sujets récurrents comme autant de défis pour les praticiens et les chercheurs. Mais lorsque ce sont les entreprises innovantes qui acceptent de nous parler des efforts qu’elles font pour que ça marche, là on assiste à de grands moments.
Et autre élément de succès de cet évènement, c’est la convivialité entre les gens de l’assistance. Ce rassemblement ressemble à une réunion d’amis qui se retrouvent d’année en année, dans une atmosphère décontractée, pour s’enquérir et discuter de leurs bons coups. Il est en effet très facile d’établir des contacts et de parler à des hauts dirigeants de grandes entreprises dont les pratiques en innovation sont très avancées telles Hershey, Eli Lilly, Exxon, 3M, etc.
Les conférences qui ont retenu mon attention
À travers un programme chargé de présentations diverses, de panels d’experts et d’ateliers de développement professionnel, trois conférences ont retenu mon attention dont voici un très bref aperçu.
Dans le contexte actuel marqué entre autres par les problèmes d’approvisionnement, de pénurie de main-d’œuvre et des changements climatiques, il est clair que la notion d’agilité entrepreneuriale, tout comme celle de leadership ambidextre, prend tout son sens. Ce que cela veut dire essentiellement, c’est de faire pivoter la stratégie d’entreprise en fonction à la fois des objectifs court terme et long terme. À cet égard, la présentation de Marianne Lewis (Innovation Tensions and Both/And Thinking), doyenne et professeur en gestion à l’Université de Cincinnati, était très intéressante. L’agilité entrepreneuriale, on en parle beaucoup, repose en grande partie sur la compétence des gestionnaires et la nécessaire posture d’apprentissage dans les équipes de développement de produits. Cela requiert également l’agilité au niveau de la structure de l’organisation.
Pour PDMA, les besoins client ont toujours été au cœur de la démarche d’innovation. Malheureusement, beaucoup d’entrepreneurs pensent encore d’abord à leur solution et peu ou pas du tout à l’expérience qu’ils vont faire vivre aux gens. Geoff Thatcher (Transforming Products Into Experiences), consultant spécialisé dans la fabrication de manèges et de parcs d’amusement à travers le monde, nous a exposé sa méthode. Et les questions que l’on doit se poser dans tout projet pour créer et faire vivre des expériences à l’usager, transférer des émotions, un peu à la Moment Factory. À l’aide de l’intelligence artificielle, il nous a montré différents outils qui permettent de réaliser avec des rendus et des images, des « mood boards » à leurs clients.
D’autre part, en lien avec la Voix du client (VoC), Jack Schafer(Leveraging FBI Elicitation Techniques in Voice of the Customer Research), professeur agrégé et ex-agent spécial du FBI, nous a présenté différentes techniques utilisées par des enquêteurs et qui sont transférables au processus de recherche du VoC. Il nous a fait une démonstration de l’une de ses techniques avec des gens de l’assistance : « Comment soutirer de l’information à quelqu’un en moins de 5 minutes. » Wow! Personne ne s’attendait à cela. C’était vraiment impressionnant et le conférencier génial! Il nous a expliqué la mécanique et, franchement, tout le monde peut le faire ou presque. Ça n’a laissé personne indifférent.
Un prix prestigieux : le Outstanding Corporate Innovator (OCI)
La conférence PDMA, c’est aussi son concours annuel Outstanding Corporate Innovator qui récompense une entreprise pour les résultats durables et quantifiables issus de ses nouveaux produits et/ou services. Après l’entreprise 3M l’an dernier, c’est la compagnie Hershey, chef de file dans l’industrie du chocolat et des friandises à l’échelle globale, qui a remporté le prestigieux prix pour sa 35e édition. On a eu droit à une présentation par le président principal des pratiques et processus qui font le succès de leurs innovations. Et on comprend rapidement comment l’innovation est un élément essentiel de la culture de l’entreprise.
Et je me suis laissé dire que pour plusieurs entreprises finalistes de ce concours, le parcours et le processus d’évaluation pour se classer avaient été une expérience très formatrice. C’est le cas de Lennox, entreprise de produits de climatisation et de chauffage, dont les représentants ont trouvé le parcours tellement intéressant qu’ils ont dédié une personne pour faire partie bénévolement du comité d’évaluation. De voir tout ce que ces entreprises font, tu ne cesses d’apprendre et c’est en soi une forme de veille.
Par ailleurs, nous avons eu droit à une table ronde avec des ex-lauréats du prix Outstanding Corporate Innovator Award (OCI Panel: How Leaders Inspire & Deliver Innovation Success) tels que Sherwin-Williams, Church and Dwight, 3M et Gorilla Glue. Ils ont discuté de la façon dont leur organisation continue de connaitre le succès par l’innovation, même en ces temps difficiles. Ce panel nous a offert un aperçu unique de leurs « petits trucs » dans l’application de pratiques qui ont fait leurs preuves : la culture, le portefeuille et l’agilité.
Par exemple, en gestion de portefeuille de projets, la haute direction de Church & Dwight détermine cinq (5) orientations ou éléments clés (five bets) sur lesquels l’entreprise de produits d’hygiène parie pour l’année qui vient et que toutes les divisions devront considérer dans leur propre portefeuille. Cette action a pour but d’aligner le portefeuille de tous les groupes ou unités d’affaires sur une vision corporative globale. Ce peut être une réduction des coûts de 15 %, développer de nouveaux marchés géographiques, miser sur l’innovation ouverte, etc.
Le forum JPIM : une tribune pour les chercheurs
En aval de la Conférence se tenait le JPIM Forum organisé par le Journal of Product Innovation Management. Cette revue universitaire est publiée par la PDMA et a pour but de faire avancer le champ des connaissances en gestion de l’innovation et du développement de produits. Il s’agit là aussi d’un aspect original, unique de cet événement annuel.
Écouter des chercheurs provenant de partout dans le monde nous présenter les résultats de leurs recherches, établir des corrélations entre la théorie et la réalité terrain sur des sujets qui nous sont familiers, c’est plutôt stimulant. Par exemple, le Design thinking, est-ce une approche efficace? Est-ce que ça marche?
Leurs travaux tentent de découvrir pourquoi certaines entreprises performent mieux que d’autres ou encore de trouver des angles nouveaux sous lesquels analyser l’efficacité de certaines pratiques. Par exemple, la présence de gestionnaires de produits a-t-elle une influence sur la performance de l’entreprise? Au bout du compte, ça nous permet d’en apprendre plus sur une tendance, sur l’efficacité d’une pratique.
Un concours pour stimuler l’innovation chez les étudiants
Le forum JPIM se conclut avec le Défi mondial de l’innovation étudiante (Global Student Innovation Challenge), un concours pour les universitaires. En fait, il s’agit de tout projet d’innovation dans lequel une solution à un problème a été conçue. Ce sont en quelque sorte des projets de potentielles startups mais qui ne le sont pas encore. Les candidatures proviennent elles aussi de partout dans le monde. On sélectionne les trois meilleures qui devront présenter leur projet à l’auditoire de la conférence. Fait intéressant, c’est la salle qui vote pour le meilleur projet.
Cette année, ce sont des étudiantes de l’Université de Calgary qui ont remporté le premier prix. Ces femmes ont conçu un bandage pour traiter les personnes qui souffrent de diabète et qui ont des lésions récurrentes aux pieds et aux chevilles. Grâce à l’inclusion d’un ingrédient actif dans le bandage, le temps de guérison est amélioré.
En conclusion
Je constate que l’écosystème québécois de soutien à l’innovation, composé de plusieurs organismes sans but lucratif, se distingue du système américain. Et c’est une des caractéristiques dont on peut être fier!
En participant à cette conférence, mon objectif était de reconnecter avec PDMA et de voir comment l’IDP pourrait collaborer. L’association américaine est peu connue des entreprises québécoises. Cependant, l’Institut peut être un bon relayeur de leurs activités et conférences.
Par exemple, on pourrait tisser des liens avec les responsables du comité OCI pour promouvoir ce concours auprès des entreprises québécoises, qui n’auraient pas à être gênées de présenter leur candidature. Mentionnons au passage que Exfo, entreprise experte en test, surveillance et analyse de réseaux et dont le siège social est à Québec, a remporté ce prix en 2000.
Enfin, je retire ceci de ma 4e participation à la Conférence PDMA : ici au Québec, nous n’avons rien à envier à ce qui se fait ailleurs. Ce que font nos entreprises matures en matière d’innovation nous démontrent que nous ne sommes pas à la traine dans nos pratiques. Nous sommes à la même place que ce que font de grandes entreprises internationales. Ça, c’est en soi une très bonne nouvelle. Et pour le constater, il n’y a rien comme de rencontrer, sur place, d’autres entreprises matures aux pratiques avancées.
______________________
Benoit Poulin, ing., est directeur général de l’IDP depuis 2019. Il cumule près de 20 ans d’expérience de terrain en innovation. Au cours de sa carrière, il a occupé les postes de chargé de projets, analyste d’affaires, responsable de la R-D, directeur de la gestion de produits, et de conseiller en innovation et développement de produits à l’IDP de 2010 à 2015. Il est animé par un désir constant d’aider les entreprises à croitre et à rayonner dans leur milieu.
Comments are closed.