Par Nathalie Gauthier, conseillère sénior en innovation et développement de produits à l’IDP
En matière de biens de consommation, l’offre de produits sur le marché est abondante. Alors comment générer et sélectionner des idées de nouveaux produits qui feront la différence dans la vie des clients et ajouteront de la valeur à l’entreprise? Il ne suffit pas uniquement d’appliquer les techniques connues de créativité, il faut aussi y combiner une démarche rigoureuse. Nathalie Gauthier revisite pour nous quelques fondements du processus d’idéation.
Les éléments qui se retrouvent dans nos rapports de tendances sont nombreux. Certains nous inspirent des idées de nouveaux produits, d’autres nous sortent de notre zone de confort et, certains, trop rares, bouleverseront nos industries par leur caractère innovateur. Comment s’alimenter à ces sources pour générer de nouvelles idées de produits qui deviendront potentiellement des succès sur le marché?
Voici six (6) étapes à considérer dans votre aventure pour transformer des idées (ou éclairs de génie!) en concepts, dans le but d’augmenter vos chances de succès dans le marché.
1 – Partir avec la destination bien en vue : Être PERTINENT et UNIQUE pour le client, tout en générant de la valeur pour l’entreprise
Être pertinent pour un grand nombre de clients mènera à un VOLUME de ventes plus élevé. Être unique permettra des prix plus élevés et donc de meilleures MARGES.
S’il est valable de développer et lancer des produits qui sont soit unique, soit pertinent pour un grand nombre de clients, ces produits auront plus d’impact sur les profits s’ils combinent ces deux qualités.
De plus, il faut s’assurer que l’idée génèrera de Ia valeur pour l’entreprise. Cette valeur peut être monétaire mais elle doit surtout être stratégique (impact positif sur l’image, attirer une nouvelle clientèle, etc.).
Pour définir ce qui sera pertinent et unique pour le client et pour comprendre comment générer de la valeur pour l’organisation, pensez à l’acronyme VoC que vous connaissez probablement pour Voice of Customer (voix du client) et qui est aussi utilisé pour Voice of Company (voix de l’entreprise).
2 – Comment générer des idées uniques : Passer de l’UNIQUE-BIZARRE à l’UNIQUE- WOW
Il y a deux façons d’être unique : on peut être unique-WOW (exemple : souliers 4 saisons) ou unique-BIZARRE (souliers avec parapluie protecteur). On recherche évidemment la première façon!
Selon Doug Hall, un de mes gourous en innovation, il serait plus facile de partir d’une idée UNIQUE (même BIZARRE) et de l’amener à être PERTINENTE que l’inverse, partir d’une idée PERTINENTE et de l’amener à être UNIQUE.
C’est pourquoi l’utilisation de stimuli, qui agissent comme des déclencheurs pour attiser les participants, est si importante dans les séances de créativité. Les stimuli mèneront à des idées UNIQUES qui pourront être retravaillées pour devenir PERTINENTES pour un plus grand nombre de clients.
3 – Planifier et faire une session d’idéation productive
Vous avez probablement tous déjà assisté à une session d’idéation où les idées générées étaient souvent celles auxquelles on pouvait s’attendre, et très peu d’originales en étaient ressorties? Voici quelques conseils afin de s’assurer que la session sera productive et qu’elle engendrera des idées hors du commun :
- Bien définir le mandat/le carré de sable: Quelle est la mission, la raison pour laquelle cette mission est importante pour l’entreprise; qu’est-ce qui est inclus ou exclus, et les contraintes s’il y en a.
- Créer une ambiance de confiance : Avoir des règles claires et un modérateur qui s’assurera de la participation de tous, quelque soit leur niveau hiérarchique ou leur fonction.
- Commencer en mode DIVERGENCE, pour ensuite CONVERGER
La session d’idéation aura deux phases : La DIVERGENCE afin de créer des choix, et la CONVERGENCE afin de faire des choix.
Il est important de laisser savoir aux participants dans quelle phase vous êtes. En phase de DIVERGENCE, vous recherchez la quantité et la variété des idées; tandis qu’en phase de CONVERGENCE, vous cherchez à identifier les idées qui sont les plus porteuses pour l’entreprise.
En phase de divergence vous recherchez un début d’idée, un point de départ assez unique et différent. Ces débuts d’idée ne seront pas mis tels quels sur le marché, ils seront plutôt retravaillés et leur faisabilité évaluée plus en détail. Le fait d’expliquer ce déroulement aux participants les aide à mettre de côté leur petite résistance intérieure « comment va-t-on faire arriver cela? » et à se mettre en mode créativité. Ils aiment généralement l’expérience!
- Préparer et présenter des stimuli (reliés et non reliés)
Un stimulus, utilisé dans le contexte de la génération d’idées, est un fait, une observation qui stimule le cerveau et provoque une réaction, une idée. Chaque cerveau est unique : un même stimulus peut générer une idée différente selon la personne qui le reçoit.
Il y a quatre principales sources de stimuli RELIÉS à l’industrie dans laquelle on œuvre :
- futuristes (ex. tendances)
- centrées clients (ex. plaintes clients, besoins clients)
- basées sur les marchés (ex. ce que fait la compétition ici et ailleurs)
- basées sur la technologie (ex. nouvelles technologies)
De plus, il y a les stimuli NON reliés à l’industrie dans laquelle on œuvre qui sont des mots ou des images générés aléatoirement. Par exemple :
- Si on vous demande de générer des idées de pizza pour un restaurant dont c’est la spécialité : Au départ, on pensera à différentes saveurs (mexicaine piquante, asiatique, aux fruits, etc.) ou à différentes formes de pizza (en forme de guitare, de girafe, etc.) ou encore à différentes façons de garnir la croûte (aux 4 fromages, aux oignons caramélisés, aux champignons, etc.)
- Mais lorsque l’on introduit un stimuli NON relié, des idées hors du commun s’ajoutent, par exemple :
- Le stimulus PÔLE NORD peut conduire à une pizza popsicle, une pizza crème glacée, une pizza de Noël
- Le stimulus BISCUIT CHINOIS : une pizza avec un message personnalisé écrit sur le pourtour de l’assiette
En général, les stimuli NON reliés sont ceux qui génèrent les idées les plus UNIQUES, parfois bizarres mais uniques. Ces stimuli amènent les cerveaux dans d’autres univers et forcent l’imagination.
Pour des sessions créatives efficaces, il faut donc bien les préparer en amont!
- Avoir des gens avec différentes expériences (diversité)
- Écrire les idées! Et conserver la richesse du verbatim
- Utiliser plusieurs techniques d’idéation : Il existe des dizaines de techniques d’idéation : Osborn, briser les règles, pass the buck, analogies, les six chapeaux de Bono, etc.
Et voilà, vous avez maintenant plus de 200 idées! Finie la divergence, il faut maintenant converger et sélectionner les idées les plus porteuses, celles qui vous mèneront à destination : les idées les plus PERTINENTES et UNIQUES (WOW) et qui vous aideront à atteindre vos objectifs stratégiques.
4 – APRÈS la session d’idéation : Sélectionner les idées les plus porteuses à l’aide d’une liste de critères pour réduire la partialité et assurer l’adéquation avec le VoC (voix du client et voix de l’entreprise)
Afin d’éliminer la partialité, il est recommandé d’utiliser une liste de critères. Dans son livre Winning at New Products, Robert G. Cooper propose les critères suivants : l’impact stratégique, la différenciation, l’attrait du marché, la faisabilité, la possibilité de maximiser les forces de l’entreprise et le retour sur investissement.
À ce stade, l’évaluation se fait sur une base qualitative car les données ne sont pas encore disponibles. Et bien que la faisabilité soit faible sur certaines idées BIZARRES, conservez-en quelques-unes pour l’étape suivante!
5 – Retravailler les idées et les compléter
À la sortie des sessions d’idéation, il est rare que l’idée soit complète. On obtient plutôt une idée partielle qu’il faut retravailler et compléter.
Les clients achètent généralement un produit soit pour régler un problème, soit pour gagner un bénéfice. Il est donc important de relier l’idée à un problème et/ou à un bénéfice très rapidement. Ceci guidera les choix à faire lors du développement à venir.
Lorsque l’on analyse une idée, il est important de bien capturer sa description, le problème qu’elle entend résoudre, la promesse faite au client et la preuve qu’elle répond au besoin identifié (reason to believe). Voici un exemple :
Bon, j’avoue, cette idée est encore un peu BIZARRE et doit être retravaillée! Afin de retravailler les idées et les compléter, des techniques existent telles que le PPCO (Plus, Potentiel, Craintes, Options).
6 – Structurer le reste de votre chemin, en gardant le cœur de l’idée intact
Il existe plusieurs bonnes pratiques pour transformer cette idée en solution commercialisée, telles qu’un processus de développement de produits bien structuré, le travail en équipe multifonctionnelle, un responsable de projet, un bon business case en amont, un prototype et la cueillette de l’opinion des clients le plus tôt possible, etc. L’important est de reconnaître qu’une idée n’est pas encore un projet et encore moins un produit. Elle doit être conceptualisée et validée d’abord.
Ce n’est donc que le début de l’aventure. L’idée sera ensuite quantifiée, testée avec les clients et continuera à évoluer. Elle pourra perdre des plumes par manque de faisabilité technique, règlementaire ou financière, mais assurez-vous de ne jamais perdre le cap, voire vous battre pour conserver ce qui fait de votre idée son caractère UNIQUE et PERTINENT. Bon succès!
Complément d’information
5 avril 2023
Le 5 avril prochain, l’équipe de la firme ILOT, spécialisée en stratégie et gestion de marque, organise un brunch sur l’innovation en alimentation et partagera leurs trouvailles issues de la conférence South by Southwest 2023. À cette occasion l’IDP y présentera des façons de transformer les idées en projets d’innovation et MILA nous exposera comment l’intelligence artificielle est appelée à révolutionner l’industrie agroalimentaire. Venez nous rencontrer! L’IDP offre 15 % de rabais jusqu’au 29 mars (code promotionnel IDP15). Pour s’inscrire
Débutant le 21 avril 2023
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Nathalie Gauthier, conseillère sénior à l’IDP, est une praticienne de l’innovation qui cumule plus de 25 ans d’expérience en planification stratégique, innovation, marketing, R-D et recherche auprès des consommateurs. Au cours de sa carrière dans diverses entreprises telles Johnson & Johnson, Agropur, Cascades et St-Hubert, elle a implanté des systèmes d’innovation qui ont contribué de manière significative à accélérer la mise en marché de nouveaux produits et à améliorer leur taux de succès, tout en s’assurant que l’organisation demeure centrée sur les besoins client.
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