Ce troisième article d’une série de cinq fait état des impacts de l’intégration de l’impression 3D sur différentes activités de l’entreprise. L’objectif est de susciter la réflexion sur cette technologie qui a le potentiel de modifier le modèle d’affaires des entreprises. Illustration avec l’expérience de la firme québécoise Nucleom.
L’impression 3D est une technologie innovante en pleine effervescence. Au Québec, peu d’entreprises connaissent tout le potentiel de cette nouvelle technologie appelée à révolutionner les pratiques en conception et fabrication de produits. De concert avec le Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ), l’IDP vous propose une série d’articles sur cette technologie et ses impacts*. Voici le troisième volet d’une série de cinq.
Dans les articles précédents, nous avons vu comment l’impression 3D permettait de valider les idées ou concepts plus rapidement, grâce au prototypage, et d’accélérer ainsi l’innovation. Dans ce troisième volet, nous abordons d’autres impacts de cette technologie sur des activités telles que l’ingénierie, la fabrication, les approvisionnements, etc. Plus qu’un outil de prototypage, l’impression 3D est une technologie de fabrication qui s’intègre dans la chaine de valeur des entreprises.
La valeur d’un produit personnalisé
Une des grandes caractéristiques des imprimantes 3D est leur flexibilité dans la fabrication des pièces. Cet avantage ouvre directement la porte à la personnalisation des produits. Pouvoir imprimer une pièce pour le client A, puis immédiatement une autre pour le client B, sans entrainer coûts et délais de production importants! Il est dorénavant permis d’explorer de nouvelles solutions pouvant s’intégrer aux processus courants de l’entreprise.
Cet avantage s’inscrit dans une évolution des habitudes de consommation qui amènent les clients à exiger de plus en plus des produits personnalisés. Dans son article « The 4Ps are out, the 4Es are in », Brian Fetherstonhaugh de l’agence de publicité Ogilvy & Mather démontre comment les consommateurs veulent davantage être considérés comme des personnes vivant des expériences spécifiques plutôt que de simples consommateurs de produits génériques.
À l’heure actuelle, les imprimantes 3D industrielles offrent cet avantage mais seulement pour de petits volumes de production. En fonction des efforts qui seront déployés dans le futur pour améliorer les vitesses d’impression et augmenter les volumes de fabrication, nous pouvons espérer voir cet avantage transposé aux lignes de production à moyen et haut volume. Et cette tendance est réelle. Le rapport Wohlers 2015 nous confirme que l’utilisation de la fabrication additive comme outil de production continue de croitre. En 2014, elle représentait 42,6 % du total des revenus des produits et services de fabrication additive.
Modification des méthodes de conception
Par ailleurs, l’utilisation de l’impression 3D en entreprise entraine inévitablement des changements dans les méthodes de conception et les processus établis en ingénierie. Aussi, la définition du produit aura-t-elle tout avantage à reposer sur une analyse fonctionnelle structurée pour déterminer la finalité des pièces.
Selon un rapport de la multinationale GE, il est possible de réduire le nombre de pièces d’un assemblage par un facteur pouvant aller jusqu’à 70 fois. La simplification des assemblages est un autre grand bénéfice de l’impression 3D. N’ayant dorénavant que peu de contraintes sur les géométries escomptées, cette technique alloue une plus grande liberté dans la matérialisation des concepts par rapport aux méthodes traditionnelles.
Cette liberté a cependant un coût. Plus la géométrie est complexe, plus le temps de post-traitement sera long et coûteux. Dans un tel cas, la conception doit souvent intégrer des supports temporaires qui devront être retirés une fois l’impression complétée. Il est donc important de bien évaluer le gain espéré de cette complexité versus le surcoût réel des manipulations post production nécessaires.
Second avantage reconnu, la réduction de la masse du produit sans en altérer sa rigidité. Cependant, une étape d’optimisation topologique est pratiquement inévitable avant de lancer la modélisation CAD d’une pièce. Cette opération permet de fixer les conditions limites d’un volume de matière et laisse le logiciel de simulation distribuer la matière là où elle est requise. Cette approche permet d’obtenir les performances mécaniques visées tout en bénéficiant d’une réduction de coût induit par la diminution de matière utilisée. Selon le même rapport de GE cité plus haut, cette optimisation a permis de réduire de 5 % le poids d’un moteur CESNA conçu par impression 3D, et pour lequel cette technologie est utilisée pour 35 % des pièces.
Si, aux yeux de certains, ces changements dans les méthodes de conception peuvent paraitre considérables et peut-être même complexes à mettre en place, on s’accorde à dire que, lorsque la philosophie derrière l’impression 3D est bien maitrisée, le changement est à la portée de tous.
Autres impacts dans l’entreprise
Au-delà de tous les avantages mis de l’avant dans ce dossier, l’impression 3D permet également d’améliorer vos chaines de fabrication par l’augmentation du rythme de production. Par exemple, la fabrication personnalisée de votre propre outillage pour répondre aux besoins spécifiques des opérateurs pourrait améliorer rapidement votre cadence de production. De même, cette technologie vous permet de concevoir des outils aux géométries complexes pour la calibration simple et rapide de vos équipements.
Quant aux gains logistiques, le vieil adage « le temps, c’est de l’argent » s’applique tout spécialement à ce type d’analyse. Trop souvent, le coût unitaire d’une pièce est l’unique critère de sélection d’un concept ou d’un fournisseur. Or, si on ajoute les frais associés aux différentes étapes de l’approvisionnement (délais de livraison, entreposage, dédouanement, etc.), le coût réel de la pièce s’en trouve augmenté.
Un rapport de l’Université Laval portant sur les enjeux de l’impression 3D aborde cet aspect : « On se trouve dans une situation paradoxale. Le procédé d’impression 3D pour imprimer un objet peut être relativement long, mais dans la chaine de production, le cycle de production dans son ensemble est plus rapide. »
Actuellement, le coût unitaire d’une pièce produite par impression 3D est relativement élevé. Toutefois, si elle peut être produite localement, le coût relatif peut s’avérer plus avantageux que le prix estimé pour une fabrication délocalisée.
Enfin, l’impression 3D peut simplifier la gestion de l’inventaire puisqu’il s’agit presqu’exclusivement de garder en réserve des poudres métalliques et polymères ou des bobines de filaments. Chaque pièce étant produite à la demande et en petit volume, une part importante des coûts liés à l’entreposage est alors épargnée tant pour les matières entrantes que pour les pièces sortantes.
Identifier les opportunités
Comment évaluer les opportunités liées à l’utilisation de cette technologie dans mon entreprise? Comment réaliser un business case pour s’assurer d’en capter la valeur? Maxim Lobovsky, CEO de Formlab, présente dans une vidéo intitulée Defining the next chapter in 3D Printing les trois dimensions dont il faut tenir compte pour déterminer le coût d’une pièce produite par impression 3D. Il s’agit du coût d’acquisition de l’imprimante, du coût des matériaux et du travail pré et post fabrication.
Diminuer le coût associé à chacun de ces facteurs contribuera à rendre l’impression 3D plus compétitive par rapport aux autres méthodes de fabrication et ce, pour une production à haut volume.
Bien que cet entrepreneur mette de l’avant des solutions industrielles pour diminuer le coût d’une pièce produite par stéréolithographie (SLA), il existe plusieurs approches pour vous aider à identifier les opportunités pour votre chaine de fabrication :
- Ciblez l’inefficacité de certains maillons de votre chaine de production et débloquez un budget pour résoudre la situation avec l’impression 3D;
- Évaluez où vous pourriez tirer avantage d’un délai d’approvisionnement de quelques jours au maximum;
- Identifiez des pièces fabriquées dans des matériaux également disponibles pour l’impression 3D et élaborez un business case basé sur les différents critères discutés jusqu’à présent.
Services aux entreprises
Nous vous invitons à lire le témoignage de Nucleom (ci-dessous) qui a fait appel au CRIQ pour leurs services en fabrication additive, particulièrement par impression 3D métallique. Découvrez comment l’équipe de R-D a été surprise et satisfaite des résultats obtenus.
Mentionnons que le CRIQ offre un programme de formation qui permet aux entreprises de se familiariser en peu de temps avec la fabrication additive. Deux formations sont offertes. La première est une introduction à la fabrication additive qui permet de comprendre les différents procédés utilisés et leurs applications. La seconde, beaucoup plus technique, concerne les choix technologiques et de conception. Les sujets traités abordent la conception pour l’impression 3D, la consolidation de pièces, l’optimisation topologique, le post traitement et la finition des pièces.
Pour faciliter l’adoption de cette technologie en entreprise, le programme PARI-CNRC et Canada Makes subventionne un projet de conception par impression 3D métallique jusqu’à hauteur de 5 000 $. Pour savoir si votre projet se qualifie, n’hésitez pas à prendre contact avec les organisations. Signalons que la firme Nucleom a pu profité de ce programme.
Bien que les applications de l’impression 3D à la production soient spécifiques à des marchés de niche, GE intègre dorénavant cette technologie pour la conception et la fabrication de certains moteurs commerciaux. En créant sa division GE Additive et après avoir fait l’acquisition de deux des plus importants manufacturiers d’imprimantes 3D métalliques en Europe, GE se positionne actuellement comme le leader du potentiel que recèle cette technologie dans les secteurs aéronautique et manufacturier.
Prochain article
Dans le prochain article nous aborderons l’impression 3D comme un des outils de la transition numérique en entreprise. Usine intelligente, fabrication 4.0, Internet des objets, automatisation, etc., ces sujets représentent tous d’une manière ou d’une autre des moyens dont disposent les industriels pour « mieux produire (fabriquer) leurs produits ». Nous verrons comment ces concepts peuvent avoir une pertinence pour votre entreprise!
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* Ce dossier est piloté par David Fauteux, ing. jr., conseiller à l’IDP, avec la collaboration de Denis Lépine, ing., agent de recherche, Conception mécanique et fabrication additive, au Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ).
L’expérience de Nucleom
Nucleom, une firme spécialisée dans les techniques d’inspection avancées en essais non destructifs, a fait récemment appel au CRIQ pour obtenir des services en fabrication additive, particulièrement par impression 3D métallique. Elle était alors à la recherche d’un service de fabrication pour un outil d’inspection en aluminium, dans des délais plus courts que ce que les fournisseurs de service d’usinage étaient en mesure de leur offrir.
Nucleom offre sa gamme de services aux entreprises des secteurs d’activité tels le nucléaire, la pétrochimie, les infrastructures, et plus. Pour pouvoir fournir un service performant à leurs clients, Nucleom doit parfois concevoir sur mesure ses propres outils. Et c’est là que l’impression 3D métallique devient intéressante.
La firme québécoise s’intéresse à cette technique depuis quelques années. Il faut dire que l’impression 3D plastique est déjà largement utilisée à l’interne pour valider les concepts de pièces. Ainsi, pour Michel Géroudet, dessinateur concepteur et consultant pour l’entreprise, « l’impression 3D métallique est la suite logique parce que nous avons besoin de ce type de pièces. »
Amélioration du design des pièces
D’entrée de jeu, Denis Lépine, ing., agent de recherche au CRIQ, leur propose d’améliorer le design des pièces qu’on lui a confiées, conçues à l’origine pour un usinage conventionnel. Il va sans dire que ce transfert de connaissances est très bien reçu par les gens de Nucleom :
« Ils pouvaient nous produire des pièces évidées, une structure en nid d’abeilles, ce qu’on ne pouvait obtenir avec l’usinage normal. La réduction du poids de la pièce, ça veut dire qu’on utilise moins de poudre et ça peut jouer sur les coûts », estime Céline Poirier, chargée de projet.
« Dans nos secteurs d’activité, on veut réduire le nombre de pièces et de composantes qui entrent en chantier. Ça passe donc par la conception, la traçabilité », précise Michel Géroudet.
Gain de temps et d’argent
Par rapport aux méthodes traditionnelles, la conception des pièces avec l’impression 3D métallique est bien différente. La possibilité de réduire le nombre de pièces en intégrant les fonctions et les composantes mécaniques dans le concept original permet de créer des outils spécialisés optimisés. C’est dans cette optique de conception que la fabrication additive métallique offre ses principaux avantages.
La réalisation d’un outillage parfaitement adapté et en juste-à-temps n’a jamais été aussi facile. En outre, la réduction du poids des pièces peut avoir beaucoup d’impact sur les coûts de fabrication. Précisons que l’imprimante qu’utilise le CRIQ (une EOS-M290) possède un très grand plateau pouvant recevoir et imprimer un bon volume de pièces en même temps :
« On voulait nos pièces rapidement. Denis Lépine les a jumelées avec celles d’autres clients. Ce qui nous a permis de les avoir rapidement et à moindre coût », explique la chargée de projet.
Comme la nouvelle conception permet d’intégrer des fonctions, de sauver du matériel, de réduire les coûts d’impression et de limiter ceux associés à l’usinage, la pièce conçue et imprimée en 3D devient donc très concurrentielle.
Différenciation et personnalisation du produit
Par ailleurs, le représentant du CRIQ leur a proposé de graver des éléments sur les pièces à être imprimées, ce qui s’est avéré un autre avantage insoupçonné! C’est ainsi qu’on retrouve sur les pièces le logo de l’entreprise et d’autres détails techniques (taille de l’outil, flèches, etc.) qui facilitent le travail des employés. Et ce, sans augmentation des coûts!
« Ça peut sembler banal au départ mais les insertions graphiques sur les pièces, c’est très beau! On peut voir que c’est une pièce Nucleom. Ça nous donne plus de visibilité, de crédibilité. »
Voilà les propos de Geneviève Lemieux, responsable Communications et Marketing, qui voit d’un autre œil les avantages de l’impression 3D : « L’utilisation de l’impression 3D métallique nous amène définitivement un avantage concurrentiel dans notre secteur. »
Et le dessinateur concepteur, Michel Géroudet, de conclure :
« Dans l’avenir, le cœur de la production sera l’impression 3D. La possibilité de faire affaire avec le CRIQ, qui a l’équipement et le savoir-faire dans les méthodes de conception, a été une alternative très intéressante pour nous. »
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