par Magali Pelletier et Nathalie Comeau, conseillères séniors en innovation et développement de produits à l’IDP
En octobre dernier se tenait à Boston la conférence Front End of Innovation (FEI) 2022. Cet événement de portée internationale a réuni des conférenciers captivants et une assistance d’acteurs de l’innovation provenant de diverses industries, ouverts à discuter de thèmes percutants. Magali Pelletier et Nathalie Comeau, conseillères à l’IDP, y étaient et nous relatent quelques moments de cette conférence qui les ont particulièrement marquées.
Front End Innovation (FEI) : toujours pertinent et convivial
Rappelons d’abord que l’innovation en amont correspond aux phases initiales du processus d’innovation, à la phase de découverte comme aime à le spécifier celui qui est à l’origine du Front End Innovation (FEI), l’éminent spécialiste et chercheur du Stevens Institute of Technology Peter Koen. La conférence FEI, qui se tient annuellement aux États-Unis depuis une vingtaine d’années, réunit des passionnés et spécialistes de l’innovation. Cet événement, qui a acquis une envergure internationale au fil des ans, est entièrement dédié à l’optimisation de la gestion et des pratiques de l’innovation en amont.
Un des objectifs de cette démarche en amont est de s’ouvrir à tous les changements et transformations qui nous entourent pour arriver à percevoir les nouvelles opportunités. L’implication de plusieurs personnes aux visions différentes permet de générer des idées créatives. C’est l’étape pour prioriser les projets les plus porteurs à réaliser. Ultimement les ressources seront orientées vers des projets alignés avec la stratégie et le positionnement de l’entreprise. La qualité du travail à ce stade est primordiale pour la réussite du processus d’innovation.
La conférence FEI s’adresse aux gens qui vivent l’innovation tous les jours et rencontrent des défis similaires : gestionnaires d’équipes et de produits, responsables RD, conseillers. Près de 300 personnes ont assisté à cette édition 2022, des gens de partout et de différents secteurs d’activité telles les entreprises Procter & Gamble, Avery Dennison, Volvo, PepsiCo, Swarovski, Harvard University, etc.
Une des particularités du FEI? Sa convivialité. Il est facile d’y créer des liens tant avec les participants que les conférenciers. Les gens que nous avons rencontrés ont démontré beaucoup d’ouverture à échanger sur leurs pratiques, leurs façons de faire. Tous semblent partager le même objectif : Comment peut-on faire mieux et différemment pour faire évoluer les choses?
Des pratiques qui évoluent et des courants qui émergent
La plupart des enjeux qui caractérisent l’innovation en amont sont abordés au FEI. Que ce soit pour nous exposer l’évolution de certaines pratiques (Design thinking, VoC, Open innovation) ou de nouvelles propositions issues de la recherche (l’innovation s’appuyant sur l’anthropologie, les besoins de données pour comprendre son client).
À chaque édition du FEI, la programmation fait ressortir des tendances, des thématiques découlant de récents travaux de recherche mises de l’avant par les conférenciers. Nous vous présentons un aperçu des deux thèmes qui se sont démarqués cette année : le leadership ambidextre et comment faire face à l’évolution exponentielle de la technologie.
Un leadership adapté à l’innovation : la gestion ambidextre
La notion de leadership ambidextre (Ambidextrous Leadership) a été un de nos coups de cœur. En ce qui a trait aux méthodes de gestion des groupes d’innovation ainsi qu’aux structures organisationnelles optimales, les théories et pratiques ont beaucoup évolué. Dans leur conférence respective, Peter Koen et Mike Tushman, professeur d’administration à la Harvard University, ont présenté le leadership ambidextre comme une approche évolutive qu’il faut comprendre et explorer selon la nature et le degré de maturité des activités d’une entreprise.
L’approche ambidextre permet à celle-ci de détenir un portefeuille d’activités à différents stades de maturité; certaines expérimentales, d’autres matures et génératrices de profits. La clé consiste à séparer les projets d’exploration de l’activité principale, donnant l’occasion à chaque unité d’exécuter les stratégies appropriées à leur niveau de maturité et ce, à leur propre rythme.
Pour ce faire, les dirigeants doivent créer une structure séparée entre les équipes qui travaillent aux innovations transformationnelles et celles dédiées aux opérations qui soutiennent les activités principales de l’entreprise, tout en gardant un lien direct sur les deux unités d’affaires. Cette séparation permet au premier groupe d’évoluer dans un environnement hautement complexe et incertain, d’avoir sa propre culture et ses propres valeurs par rapport au groupe d’opérationnalisation, responsable des résultats à court terme de la performance du développement incrémental.
La proposition d’un style de leadership et d’une structure adaptés aux réalités différentes de ces deux contextes suscite de plus en plus l’intérêt de nombreux chercheurs. Pour un complément d’information, consultez l’ouvrage récent «The Corporate Explorer ».
Face à l’évolution exponentielle de la technologie : confiance et humilité
Différents conférenciers ont abordé les craintes que peut susciter la rapidité des changements technologiques chez les acteurs de l’innovation et leur impact sur le processus même d’innovation. De manière générale, ils préconisent plutôt l’adoption d’attitudes d’ouverture, de curiosité et de créativité, voire d’humilité, à l’égard des bénéfices que peuvent générer les nouvelles technologies.
Pour le futurologue Magnus Lindkvist, la technologie sera un allié incontournable dans le futur. Les nombreuses découvertes scientifiques vont nous permettre de faire un tas de choses, inimaginables aujourd’hui, beaucoup plus rapidement. Il nous a présenté différents exemples surprenants où les connaissances scientifiques corrélées à d’autres univers par la technologie donnaient des réponses que le cerveau humain seul peinerait à concevoir. Par exemple, il a été démontré que l’ADN d’une bactérie provenant de la merde d’insectes avait permis de créer une bioluminescence pour éclairer les bâtiments. On se croirait presque dans la 4ème dimension; mais non, c’est tout à fait réel.
Qu’est-ce qui nous attend dans le futur avec l’apport de la technologie? Pour tout de suite, on nous invite à remettre en question les choses, à être curieux et humble. Face à l’évolution exponentielle et rapide de la technologie, le mot d’ordre : nous libérer de nos peurs, éviter de se replier sur ce que l’on sait. Vaut mieux plutôt s’ouvrir aux autres, penser à de nouvelles choses et imaginer des façons étranges et créatives.
Comme Markus nous l’a si bien dit, si vous voulez créer, continuez d’user de créativité en apprenant à danser avec les règles, d’explorer, d’aller voir ailleurs, de rechercher la friction créative et les désaccords! Les fous essaient toujours quelque chose de nouveau… Vous devriez être fiers de faire partie des fous.
Conférences coup de cœur…des femmes inspirantes
Nous avons été ravies de voir la participation des femmes au FEI et comment certaines conférencières se sont démarquées par la pertinence de leur sujet et leur dynamisme communicatif. C’est le cas pour les deux coups de cœur que nous vous présentons.
En conférence d’introduction, nous avons eu droit à une excellente présentation du Dr Helen Papagiannis, chercheure, designer et consultante dans le domaine de la réalité virtuelle et augmentée depuis plus de 15 ans. Elle nous a exposé une foule d’applications incorporant la réalité virtuelle dans le domaine des arts, de la mode, de la musique, des jeux, etc. et démontré la valeur de ces technologies. La technologie est là. Ce n’est pas dans un hypothétique avenir, c’est bien réel.
Par exemple, pendant la pandémie, les consommateurs ont pu essayer des vêtements ou des produits à distance grâce à la réalité augmentée. En aérospatiale, la RA a permis de voir différents reflets et finis de matériaux, et des propositions de voyage spatial depuis le confort de son foyer… Bref, plusieurs expériences qui permettent d’étendre les capacités humaines!
La chercheure a aussi insisté sur le fait que nous ne devions pas nous sentir menacé ou intimidé par cette technologie, bien au contraire. Dans le cas de la réalité augmentée, il s’agit simplement d’une extension de l’intelligence humaine, un outil complémentaire qui vient s’ajouter à l’arsenal de nos compétences pour élargir les applications possibles (par exemple, améliorer la visualisation, le storytelling ou les annotations sur les produits).
Sally Dominguez, futuriste, inventrice et entrepreneure, a été notre second coup de cœur. Elle nous a entretenues de l’importance de développer de nouveaux schèmes de pensée pour faire face à la nouvelle réalité technologique. Nos façons de penser d’hier pour prévoir l’avenir doivent être remises en question. Avec la montée de l’intelligence des machines qui analyse 30 fois plus vite que le cerveau humain, il est difficile de compétitionner contre cela.
Elle a évoqué la nécessité pour les innovateurs de se tourner vers une pensée créative, un pivot que l’humain doit considérer plus tôt que tard pour apporter une valeur ajoutée. Leur rôle consiste à être des visionnaires et à utiliser la technologie pour aller plus loin, plus vite. Bien sûr, cela exige une grande énergie et capacité mentale. Pour entretenir cette faculté, elle prône l’apprentissage en continu pour développer un état d’esprit de croissance (Growth mindset).
L’impact de la technologie dans nos vies peut susciter des craintes qui nous amènent à se replier sur soi. C’est plutôt l’attitude inverse que nous devrions adopter : la socialisation, l’ouverture à l’autre, l’inclusion des gens dans la recherche de solutions et surtout avoir une raison d’être, se donner un horizon. Selon Sally Dominguez, l’innovation repose sur un « inconfort supportable ». On n’a pas le choix d’accepter cet inconfort et nous devons faire preuve constamment de curiosité en posant les bonnes questions. Voilà la clé pour innover en continu.
Conclusion
Nous sommes revenues de ce colloque chargées à bloc avec quelques idées que l’IDP pourrait vous offrir. Également, nous nous estimons riches des liens que nous avons établis auprès d’entreprises et de personnes susceptibles de vous faire profiter de leur expérience.
Difficile de tout vous résumer, nous nous gardons cependant quelques munitions pour vous alimenter dans nos prochaines formations …Et qui sait, vous présenter des invité(e)s surprises lors du Sommet de l’IDP, en mai prochain.
Avant de joindre l’IDP en 2019, Magali Pelletier a évolué comme gestionnaire dans diverses entreprises manufacturières en B2B et B2C et a exercé un rôle de stratège formatrice au sein de sa propre firme de consultation. Titulaire d’un baccalauréat en marketing et d’un diplôme d’études supérieures spécialisées en management international de France, elle complète actuellement un certificat en gestion du changement et leadership organisationnel. Sa compréhension de la réalité terrain des entreprises en font une formatrice dynamique et une accompagnatrice de choix.
Forte d’une longue carrière chez Cascades, où elle a occupé plusieurs postes de direction en innovation, marketing et commercialisation, Nathalie Comeau est reconnue pour ses expertises en expérience client, écoconception et développement de produits. Cette leader passionnée se démarque par son esprit créatif, sa curiosité intellectuelle et son dynamisme. Nouvellement à l’IDP, Nathalie souhaite mettre à contribution son expertise et ses connaissances dans l’accompagnement des entreprises vers le succès.
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