par David Fauteux, ing., conseiller à l’IDP
En collaboration avec le CRiQ, l’IDP a publié plus tôt cette année une série d’articles sur l’impression 3D. Nous complétons ce dossier en présentant différents sujets qui caractérisent ce marché en émergence. Aujourd’hui, les poudres métalliques avec PyroGenesis Canada inc.
Le Québec compte d’importants fabricants de calibre international de poudres métalliques servant à l’impression 3D, dont PyroGenesis Canada. Dans le but d’avoir une meilleure compréhension de ce marché, nous nous sommes entretenus avec Massimo Dattilo, vice-président de la division PyroGenesis Additive, également vice-président des ventes, et Pierre Carabin, directeur en chef de la technologie et stratégiste en chef de PyroGenesis Canada.


Les technologies de fabrication des poudres métalliques
Le marché des poudres métalliques se divise en deux grandes catégories correspondant aux technologies utilisées pour les produire : atomisation par plasma et atomisation au gaz. Or, les trois principaux producteurs mondiaux de poudres métalliques utilisant le procédé d’atomisation au plasma se situent au Québec. Il s’agit de Tekna, AP&C et PyroGenesis Additive. Pourquoi? Ce procédé étant énergivore, ces entreprises profitent du faible coût des tarifs d’électricité sur le territoire québécois, un avantage concurrentiel important.
Quant à l’atomisation au gaz, cette technique plus que centenaire se retrouve dans différents procédés industriels telles la soudure, la fabrication d’engrenages, etc. Ce n’est que tout récemment qu’elle est employée pour la fabrication des poudres métalliques à des fins d’impression 3D. Ses fabricants sont issus principalement du domaine métallurgique. Parmi les gros joueurs, mentionnons Carpenter et Praxair aux États-Unis; VDM Metals en Europe et Sanyo Special Steel au Japon.
Les poudres métalliques issues de l’atomisation au gaz sont moins prisées que celles provenant de l’atomisation par plasma. En effet, la sphéricité et la grosseur des particules étant les caractéristiques distinctives des poudres métalliques, celles obtenues par atomisation au plasma offrent de meilleures performances, notamment pour l’impression 3D par frittage laser (SLS).
Pour l’impression 3D, les poudres doivent être uniformes, sphériques et très fluides. Il ne s’agit donc pas d’obtenir la poudre la plus fine possible mais bien celle qui sera la plus uniforme et dont la valeur cible va varier de 20 à 53 μm de diamètre. C’est en raison de ces caractéristiques que les poudres issues de la technologie d’atomisation par plasma surpassent celles produites par atomisation au gaz. Ce qui fait dire au vice-président de PyroGenesis Additive, qui concentre ses activités à la fabrication de poudres métalliques par atomisation au plasma : « nos poudres métalliques sont perçues dans le marché comme la Rolls-Royce des poudres ».
Qui est PyroGenesis Canada?
Fondée à Montréal en 1991 et cotée en bourse depuis 2011, PyroGenesis Canada est une entreprise de haute technologie œuvrant dans la conception, le développement, la fabrication et la commercialisation de procédés utilisant la technologie d’arcs au plasma. Les systèmes de traitement et de valorisation des déchets sont au cœur de leurs activités.
A la fin des années 1990, grâce à sa technologie, PyroGenesis Canada est un des tout premiers manufacturiers à fabriquer des poudres métalliques pour l’impression 3D, d’abord pour leurs propres besoins. Le marché de l’impression 3D étant tout à fait naissant à cette époque, il s’avère alors plus avantageux de valoriser leur procédé de fabrication sous forme de contrats de licence que de vendre de la poudre métallique aux utilisateurs potentiels.
En 2015, les licences accordées étant arrivées à échéance et le marché des poudres métalliques ayant fortement évolué, l’entreprise prend la décision de ré-entrer sur ce marché. PyroGenesis Additive voit ainsi le jour en juin 2017. Du coup, il devenait intéressant pour l’entreprise, dont les cycles de ventes sont généralement longs, de générer des revenus récurrents grâce à cette nouvelle activité. Cette décision stratégique rend l’entreprise moins vulnérable face aux aléas des marchés de l’industrie lourde.
Le marché des poudres métalliques
Comparativement à l’Europe et aux États-Unis, Pierre Carabin, directeur en chef de la technologie et stratégiste en chef de PyroGenesis Canada, considère que le marché de l’impression 3D en est encore aujourd’hui au stade des balbutiements au Québec. Le faible taux d’adoption de cette technologie par les manufacturiers locaux l’amène à dire que, pour bien des secteurs manufacturiers, elle est complémentaire aux modes de fabrication existants.
Toutefois, les entreprises québécoises des secteurs de l’aéronautique et du biomédical se démarquent avec un meilleur taux d’adoption de l’impression 3D métallique. Pour répondre à cette demande, PyroGenesis Additive se concentre principalement à la production de poudres de Titane Ti64. À cet égard, l’existence de la grappe industrielle Aéro Montréal favorise les échanges de collaboration entre le fabricant de poudres métalliques et les donneurs d’ordres, lui permettant de se positionner stratégiquement dans ce marché.
Aux dires de M. Dattilo, les principaux clients ont tendance à vouloir sous-traiter leurs projets en impression 3D plutôt que d’intégrer cette technologie à leur capacité de fabrication interne. De manière générale, on a recours à l’impression 3D principalement à des fins de prototypage ou de validation technique. On parle ici des donneurs d’ordres comme Bombardier, Airbus ou Boeing, et de très gros fournisseurs de systèmes comme UTC et autres OEM d’importance. Cette tendance à sous-traiter l’impression 3D à des entreprises d’ici, intégrées à l’écosystème aéronautique local, offre un potentiel de développement important considérant que Montréal est l’un des principaux pôles aéronautiques mondial avec Seattle, Toulouse, Nagoya, etc.
Par ailleurs, dans ce marché en pleine croissance, les prix auraient beaucoup varié au cours des dernières années. Paradoxalement, l’augmentation de l’offre de poudres métalliques liée à l’apparition de nouveaux petits fournisseurs entraine une baisse de prix alors que la croissance de la demande tend à créer une pression à la hausse. Mais dans l’ensemble, on note une diminution du prix des principales poudres métalliques au cours des cinq dernières années, précise le vice-président de PyroGenesis Additive. Enfin, la demande grandissante provenant d’autres secteurs industriels, tels l’automobile et la transformation de l’aluminium, et la diversification accrue des matériaux devraient présenter de beaux défis pour les prochaines années, soutient-il.
L’absence de standards dans le marché de l’impression 3D
L’absence de standards constituerait la principale barrière à l’intégration de d’impression 3D dans les méthodes de fabrication des entreprises. Massimo Dattilo nous explique le phénomène. Comme il a été dit précédemment, les entreprises ont recours à la sous-traitance des activités de fabrication additive et ce, auprès de plusieurs fournisseurs pour minimiser leur risque. Or, si chaque fournisseur choisit librement ses paramètres d’impression, le risque est grand pour le client d’obtenir de ceux-ci des pièces identiques d’un point de vue géométrique mais aux propriétés mécaniques suffisamment différentes pour créer des situations problématiques.
Ainsi, en l’absence d’un consensus reconnu et accepté par le marché, chaque entreprise crée ses propres standards, ce qui limite ultimement la collaboration entre les acteurs clés à différents maillons de la chaîne de valeur. Par exemple, il y a un risque que quelques donneurs d’ordres n’utilisent que certaines poudres métalliques; que d’autres ne garantissent leurs pièces que si elles sont imprimées avec certains équipements, etc. En tant que fabricant majeur de poudres métalliques, PyroGenesis Additive travaille étroitement avec de gros manufacturiers pour tenter de structurer ces zones d’incertitude. Parallèlement, elle est en mesure de transmettre aux plus petites entreprises une partie des apprentissages réalisés avec les plus grandes. Cette façon de faire facilite l’intégration de certains standards dans les processus et ce, de manière progressive.
Dans ce marché toujours en émergence, le vice-président de PyroGenesis Additive perçoit également dans le nombre limité de main-d’œuvre disponible, notamment des opérateurs d’imprimantes, un facteur limitant l’adoption de cette technologie au Québec. Le développement d’une expertise québécoise en ce domaine constitue, à son avis, un réel enjeu.
Que nous réserve le futur?
Au-delà des avantages qu’offre déjà l’impression 3D relativement aux fonctionnalités des pièces et aux géométries uniques et distinctives, le développement de nouveaux alliages répondant à certains besoins précis des manufacturiers représente un autre défi technologique.
De l’avis de M. Dattilo, les entreprises qui mettent au point de nouveaux alliages seront appelées à partager leurs innovations, une fois leur avantage compétitif bien établi, pour minimiser les risques liés à l’approvisionnement. Bien que la diffusion de ces nouveaux alliages dans la sphère publique par contrats de licence et de royautés ne soit pas pour demain, plusieurs manufacturiers travaillent actuellement à leur élaboration en collaboration avec les producteurs de poudres métalliques. Ces alliages, surnommés « superalloys », ont l’avantage d’être développés spécifiquement pour des besoins de fabrication par impression 3D. Cette avancée va contribuer à rendre encore plus compétitive l’impression 3D par rapport aux autres modes de fabrication conventionnels.
Enfin, une autre innovation devrait ouvrir de nouvelles possibilités : la capacité multi matériaux de l’impression 3D. À l’heure actuelle, les pièces sont homogènes et les poudres uniformes. Fabriquer un produit comportant différents matériaux en une seule impression 3D, tel est le prochain défi de taille. Une percée s’est récemment produite : l’impression d’une batterie complète, incluant sa circuiterie. Du côté des imprimantes de bureau, l’entreprise française Pollen a mis en marché une imprimante 3D à capacité multi matériaux tant pour les métaux que les plastiques.
L’impression 3D est une technologie de pointe qui permet aux entreprises d’accroitre leur caractère innovant. Bénéficiant de la présence au Québec de plusieurs acteurs importants dans ce marché, grâce entre autres à la vitalité des secteurs de l’aéronautique et du biomédical, il est primordial d’investir dans le développement d’un savoir-faire, par la formation d’une main-d’œuvre qualifiée dans le domaine. Ultimement, ce savoir-faire sera générateur d’emplois dans votre secteur technologique.
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