par David Fauteux, ing., conseiller à l’IDP
L’IDP est constamment à l’affut des nouvelles technologies susceptibles d’influencer positivement les pratiques en développement de produits. L’impression 3D ne fait pas exception. En 2018, nous avons publié un dossier sur ce sujet réalisé conjointement avec le CRiQ. Dans le présent article, nous explorons comment cette technologie est perçue et utilisée en entreprise. Industries Mailhot, fabricant reconnu de vérins et de systèmes hydrauliques, nous a ouvert ses portes.
Des résultats concrets
L’initiative a émergé de l’équipe R-D d’Industries Mailhot dont fait partie l’ingénieur Jean-Michel Ethier. Celui-ci nous raconte comment l’impression 3D a trouvé sa place dans l’entreprise. Pour les gens de R-D, c’est souvent la disponibilité des équipements de production qui leur fournit l’occasion d’explorer de nouveaux concepts ou de développer de nouvelles pièces. Ce fut le cas avec l’impression 3D qu’ils ont eu l’opportunité de développer à leur rythme.
Grâce à cette nouvelle technologie, plusieurs concepts prometteurs dont des pièces personnalisées, des blocs d’alimentation hydrauliques optimisés, etc., étaient dorénavant à portée de main. L’équipe n’aurait plus à importuner la production ou à recourir à un fabricant externe, réduisant ainsi considérablement les délais de fabrication.
Rappelons que l’impression 3D permet de créer des géométries qui normalement ne peuvent être fabriquées par des procédés conventionnels. L’accès à ces technologies fait donc tomber certaines barrières à l’innovation. Pour le groupe R-D d’Industries Mailhot qui a souvent recours à la fabrication de pièces unitaires pour tester des concepts, l’impression 3D a permis de réduire le temps de conception et de fabrication par un facteur 10 en moyenne, et le coût par un facteur 15.
Et la R-D n’est pas le seul département qui a bénéficié de l’impression 3D. Une fois les principes de base maitrisés, Jean-Michel Ethier s’est donné pour objectif de diffuser cette technologie dans l’entreprise pour améliorer plusieurs situations non optimales. Le groupe Ingénierie a répondu à l’appel en lançant un projet pour concevoir une pièce d’outillage plus robuste que celle utilisée auparavant. La fabrication de cette nouvelle pièce par impression 3D a permis non seulement à l’opérateur d’être plus efficace mais également de réaliser un important gain monétaire grâce à la réduction des bris. En outre, cette pièce fabriquée à l’interne coûtait moins cher. Enfin, l’équipe s’est approprié l’impression 3D pour valider la présence d’interférences au cours des activités de conception.
Voyons une autre application. Lorsque les gens doivent modifier un produit existant, par exemple faire l’ajout d’un crochet, cette nouvelle composante pourra être fabriquée par impression 3D dès le début du processus pour s’assurer de l’absence de contact avec des pièces ou équipements existants. Ne requérant aucune contrainte mécanique, ces pièces peuvent être imprimées rapidement à l’aide de matériaux peu coûteux tels certains types de plastique et ce, même si la pièce finale doit être réalisée dans un alliage métallique. Dans ces cas précis, Jean-Michel nous explique que l’impression 3D permet de réduire les erreurs de conception (et les coûts associés) tout en accélérant certaines activités de conception. Sur la photo ci-contre, un support en polymère conçu par impression 3D en dépit que la pièce finale sera fabriquée par pliage métallique.
Aux Industries Mailhot, l’équipe de vente est constamment sur la route. On peut comprendre que pour celle-ci le transport de vérins industriels en acier peut devenir une tâche lourde et complexe. En conséquence, l’effort de Jean-Michel pour démontrer la valeur de l’impression 3D a rapidement trouvé écho auprès de cette équipe. Dorénavant, à moins qu’il soit absolument nécessaire de présenter un vérin complet et fonctionnel, les gens sont en mesure de fabriquer certaines pièces, modules ou systèmes en plastique à échelle réduite. Il est donc plus facile d’exhiber aux clients les produits disponibles sur le marché.
L’émergence du projet
Cette initiative a été abordée comme tout projet d’innovation. Au départ, en février 2018, une réflexion informelle a suscité l’intérêt d’un des membres de l’équipe de R-D. Une veille technologique, des réflexions internes et une meilleure compréhension de la valeur globale de cette technologie se sont échelonnées sur une période de plus d’un an. Ces recherches ont permis de valider l’opportunité d’intégrer l’impression 3D dans les compétences de l’entreprise afin de générer des projets et des gains concrets dans les activités internes et produits de l’entreprise.
En juin 2019, Jean-Michel Ethier dépose un projet formel. Il devient le porteur de ballon, rôle primordial dans ce genre d’initiative. Il lui revient d’explorer, de valider et de convaincre l’entreprise de le suivre dans cette aventure. La résistance au changement étant souvent le principal obstacle dans ce type de projet, Industries Mailhot n’y a pas échappé. Cependant, les réalisations et bénéfices générés quelques mois plus tard ont vite fait de convaincre les gens.
L’une des premières étapes du projet a été l’acquisition d’une imprimante 3D. L’entreprise met la main sur une imprimante 3D Aon fabriquée à Montréal dans le cadre d’une initiative de sociofinancement Kickstarter et ce, pour une fraction du prix réel d’une imprimante de ce type. Basée sur la technologie FDM, l’imprimante est dotée de deux buses d’impression et permet l’impression de plusieurs polymères dont ABS, PETG, PC, PLA, etc. Le volume d’impression maximal est quant à lui de 400mm x 400mm x 600mm. Il était donc simple et facile d’expérimenter, par essais et erreurs, les différentes étapes nécessaires à la fabrication d’une pièce, de l’esquisse à la création du modèle 3D, de la configuration des paramètres d’impression au prétraitement du modèle, en terminant avec l’impression 3D.
Une fois la technologie bien maitrisée, l’équipe de la R-D a été en mesure de la diffuser aux autres départements. Comme mentionné précédemment, il ne faut surtout pas sous-estimer la résistance des gens au changement. Néanmoins, lorsque la technologie est bien expliquée il est plus facile de trouver des complices au sein des autres unités, ce qui en facilite l’adoption pour des cas précis. La clé, nous révèle Jean-Michel, réside dans la capacité à démontrer la valeur de la technologie dans des applications concrètes. Le porteur de ballon doit savoir faire preuve d’empathie et se positionner comme un allié dans la résolution de problèmes vécus par les autres équipes. Pour incarner ce rôle, il s’agit de comprendre les forces et faiblesses de la technologie et, bien sûr, de ne pas promettre l’impossible.
Une valeur stratégique qui se construit
À la base de ce projet, l’entreprise doit pouvoir se projeter dans le futur et être en mesure d’intégrer les connaissances et compétences acquises dans la réalisation de nouveaux projets et produits. Pour Industries Mailhot, l’impression 3D revêt une valeur toute stratégique, particulièrement pour les pièces métalliques. Au-delà des applications pour améliorer différents processus internes, il importe de se familiariser avec cette technologie pour pouvoir, plus rapidement que son compétiteur, en tirer un net avantage stratégique qui se traduise dans le type de produit à commercialiser.
À cet égard, Jean-Michel Ethier mentionne que l’impression 3D leur permet d’explorer des concepts de produit qui remettent en question l’actuel modèle d’affaires à la base de certaines gammes de produit. Il cite en exemple la capacité de concevoir plus facilement un produit pour l’entretien et le désassemblage. De cette façon, il est réaliste de penser que l’entreprise puisse venir bonifier le service de soutien aux produits en cours d’utilisation. La flexibilité de conception des circuits hydrauliques et la réduction de leur poids grâce à des pièces conçues à cet effet en sont d’autres exemples. Le groupe de R-D bouillonne d’idées!
L’impression 3D devient un nouvel outil, un nouveau procédé de fabrication à maitriser et pour lesquels le facteur d’introduction de nouveauté dans le marché peut être majeur. En effet, l’impression 3D permet d’imprimer des géométries qui sont autrement impossibles à réaliser de manière conventionnelle. « Le secteur manufacturier est très compétitif et les marges sont minces. Cette technologie permet, hors-tout, de réduire le time-to-market d’un cycle de développement de produits bien qu’elle soit encore perçue comme très onéreuse lorsqu’on parle du coût unitaire par pièce », nous précise Jean-Michel.
La valeur des bénéfices que cette technologie peut apporter à l’entreprise dépend également de la perspective avec laquelle celle-ci va en faire l’intégration. De l’avis de Jean-Michel Ethier, l’impression 3D dote toute entreprise qui l’intègre d’une flexibilité opérationnelle majeure! Bien que le coût unitaire d’une pièce fabriquée par cette technologie soit encore très élevé, il peut être minimisé en mettant dans la balance ce que peuvent coûter un retard de livraison ou l’arrêt d’une machine de la chaine de production. La capacité d’une entreprise à pouvoir maitriser cette technologie et à répondre rapidement à ce type de situation améliore son agilité opérationnelle, un élément de valeur stratégique de plus en plus central à toute réflexion sur la transition numérique des entreprises du Québec.
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