Par Magali Pelletier, conseillère sénior en stratégie de développement de produits et gestion marketing à l’IDP
Et si on mettait le savoir-être au cœur de la performance des entreprises? Après tout, l’humain n’est-il pas la ressource essentielle pour parvenir au plein potentiel de l’organisation. À quoi bon être un employé expérimenté qui génère de la valeur si personne n’aime travailler avec lui? Pour amener gestionnaires et employés à adopter des comportements « bons » pour l’entreprise, les indicateurs comportementaux (KBI) sont le point de départ d’une démarche d’amélioration. Comment implanter cette approche? Magali Pelletier nous en explique les grandes lignes.
Que vous soyez entrepreneur d’une startup ou gestionnaire cumulant des années d’expérience en entreprise, vous avez sûrement mis en place des indicateurs pour mesurer vos performances. Ils sont essentiels pour comprendre comment les individus, les unités opérationnelles, les projets se comportent par rapport aux objectifs stratégiques visés par votre entreprise.
Toutefois, la mesure de la performance se traduit par des données quantitatives la plupart du temps, plus précisément financières. On met de l’avant le savoir-faire des gens, facile à mesurer avec des indicateurs clés de performance (KPI), alors que la mesure du savoir-être est beaucoup plus complexe. Or, de nos jours, la performance d’un employé doit être pensée de façon plus large. Il est temps d’emboîter le pas et d’adopter cette pratique pour favoriser la culture, la communication et des performances durables dans votre entreprise. Mais comment faire?
Le rôle des indicateurs clés de performance
Tout gestionnaire nourrit l’ambition de voir son entreprise prospérer que ce soit par l’augmentation du chiffre d’affaires, l’acquisition de nouveaux marchés, l’amélioration de l’expérience client, la diminution du coût de production, etc. Pour ce faire, il existe différents types d’indicateur de performance dont le but est de mesurer le rendement des actions entreprises pour l’atteinte des objectifs qu’une organisation s’est fixée à court, moyen et long termes. Ces indicateurs permettent aussi de comparer les pratiques et les résultats d’une entreprise avec ceux de l’industrie (benchmarking).
Parmi les plus utilisés, on pense aux indicateurs financiers clés (KFI) qui servent à définir la rentabilité recherchée de l’entreprise. Ils sont souvent couplés aux indicateurs clés de performance (KPI) qui eux servent d’outils de suivi et de prise de décision pour atteindre de bons résultats. Ils permettent d’évaluer si l’entreprise répond aux objectifs de performance en lien avec le plan stratégique établi.
Peu à peu, la notion de performance s’est progressivement élargie à des dimensions plus qualitatives, notamment les ressources humaines. C’est ainsi qu’on a vu apparaitre les indicateurs comportementaux clés (KBI) qui sont indirectement liés aux KPI. Les KBI permettent de mesurer différentes facettes des comportements des gestionnaires et des employés. Ils sont au cœur de la méthode d’identification et de suivi des comportements critiques recherchés par l’organisation.
Pour leur part, les indicateurs clés de performance (KPI) jouent un rôle de GPS, c’est-à-dire qu’ils permettent aux individus de se réajuster constamment en fonction de leur situation par rapport aux objectifs, mission, vision, valeurs. Malheureusement, les KPI mettent souvent l’emphase sur l’atteinte rapide des résultats, créant ainsi un impact négatif sur les comportements des professionnels.
Comme l’énonce Steven Kerr dans son article, cette situation exacerbe la pression exercée sur l’éthique du personnel, leur mobilisation et leur engagement. Faire la bonne chose est parfois mis de côté au profit de l’obtention du résultat que l’on cherche à tout prix.
C’est ainsi que lorsque les KPI sont liés directement à des incitatifs financiers ou à des récompenses, ils peuvent encourager des comportements à l’éthique douteuse, opposés à ceux souhaités par la direction. Et rappelez-vous que la culture de votre organisation ne se situe pas dans ce que vous dites mais bien dans ce que vous faites et imposez à vos employés.
Le cas de la banque américaine Wells Fargo peut sembler extrême mais il illustre bien ce phénomène. Cette puissante institution a été reconnue coupable en 2016 d’avoir ouvert frauduleusement deux millions de compte en banque pour ses clients qui ne lui avaient rien demandé. Ces comptes ont été ouverts par des conseillers au service à la clientèle pour rencontrer les objectifs de vente très agressifs auxquels étaient associés des incitatifs financiers. Voir le vidéo de cette histoire.
L’importance des indicateurs comportementaux (KBI)
Pourquoi avoir des indicateurs comportementaux (KBI) dans son tableau de gestion? Parce que l’identification et la mesure de ces indicateurs vous permet d’une part d’obtenir un portrait des habiletés et compétences comportementales de vos gestionnaires et employés, et d’autre part, d’établir un plan d’amélioration pour atteindre le plein potentiel de votre organisation.
L’exemple de la Wells Fargo démontre bien la nécessité de définir les comportements recherchés qui vont conduire aux résultats souhaités, et de ne pas considérer uniquement les résultats. Ils doivent permettent la collaboration, l’engagement, la motivation et la cohésion des employés pour atteindre les objectifs de performance et ce, dans un climat sain et éthique.
En fait, ce que vous voulez vérifier c’est que les gestionnaires et employés font ce qu’il faut. Mais vous voulez également illustrer l’impact de ce comportement sur les performances opérationnelles, la satisfaction des clients et les résultats financiers. Et pour qu’une performance se concrétise, il doit y avoir un changement de comportement.
Voilà pourquoi il faut bien définir les comportements recherchés dans votre entreprise pour être en mesure d’en évaluer la progression. Ce qui nous intéresse, ce sont les améliorations apportées pour arriver à avoir un impact positif sur l’environnement, l’attitude des employés et, par ricochet, favoriser une performance durable dans le temps.
Il est donc crucial de travailler en premier à l’élaboration d’une liste d’indicateurs comportementaux clés organisationnels qui va s’appliquer à tous les gestionnaires et employés. Voici quelques exemples de comportements souvent recherchés avec les indicateurs comportementaux associés :
Source : https://www.profilesasiapacific.com/2018/04/24/key-behavioral-indicators-for-employees/
Toutefois, pour mesurer la contribution des individus au succès et recruter ces compétences, vous devrez de plus définir des indicateurs comportementaux clés basés sur les rôles individuels. Il faudra donc développer un cadre de compétences personnalisé à chacun.
Avec des KBI, on s’assure que l’employé, par ses comportements, contribue non seulement aux résultats mais à la santé de l’organisation par sa collaboration avec l’équipe, sa façon de communiquer avec les intervenants, sa capacité à soutenir ses collègues, etc.
Dans le cas des gestionnaires, ces KBI seront essentiels pour les amener à devenir des leaders mobilisateurs, inclusifs et ouverts aux autres. Un bon gestionnaire devrait avoir des indicateurs de comportements souhaités en habiletés de gestion et de supervision active, dans la prise de décision, ainsi qu’en ce qui concerne son attitude/aptitude personnelle.
La mise en place d’indicateurs comportementaux clés (KBI)
Il n’est pas évident de traduire les défis stratégiques à relever en changements de comportement désirés qui vont s’appliquer à l’ensemble de l’organisation et ce, dans toutes les unités opérationnelles. À l’aide d’exemples, voici quelques étapes simples pour établir des indicateurs comportementaux clés :
En conclusion
Les résultats (KPI) indiquent ce qui a été réalisé alors que les indicateurs comportementaux (KBI) annoncent les comportements attendus. Nous ne remettons pas en cause l’importance de mesurer les actions et de se donner des objectifs atteignables. Nous savons que ce qui n’est pas mesuré est souvent oublié! Mais il est de plus en plus évident que de mesurer des éléments plus qualitatifs, tels des comportements souhaités, sont tout aussi essentiels.
Avec les défis de recrutement, de rétention de personnels compétents et l’importance grandissante des environnements collaboratifs et positifs, les indicateurs comportementaux vont devenir des incontournables pour renforcer la culture d’entreprise et assurer des performances soutenues et durables.
Références
The 10 biggest mistakes companies make with KPIs
https://bernardmarr.com/the-10-biggest-mistakes-companies-make-with-kpis/
The Case for the ‘KBI’: Is it time to Measure Behaviour as well as Results?
https://beliyf.com/articles/case-kbi-time-measure-behaviour-well-results/
On the folly of rewarding A, while hoping for B
https://www.ou.edu/russell/UGcomp/Kerr.pdf
Behavioural Performance Metrics
https://implementconsultinggroup.com/article/behavioural-performance-metrics/
Key Behavioral Indicators for Employees
https://www.profilesasiapacific.com/2018/04/24/key-behavioral-indicators-for-employees/
Comment développer les compétences comportementales (soft skills) en entreprise
https://www.vitalsmarts.fr/comment-developper-les-competences-comportementales-soft-skills-en-entreprise/
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Avant de joindre l’IDP en 2019, Magali Pelletier a évolué comme gestionnaire dans diverses entreprises manufacturières en B2B et B2C et a exercé un rôle de stratège formatrice au sein de sa propre firme de consultation. Titulaire d’un baccalauréat en marketing et d’un diplôme d’études supérieures spécialisées en management international de France, elle complète actuellement un certificat en gestion du changement et leadership organisationnel. Sa compréhension de la réalité terrain des entreprises en font une formatrice dynamique et une accompagnatrice de choix.
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