Par Bernard Lebrun, NPDP, conseiller sénior en développement de produits à l’IDP
En développement de produits, la définition de projets est plus qu’une simple formalité. C’est un exercice essentiel pour s’assurer que l’on fait le bon projet avec toutes les conditions réunies pour sa réussite. Ce document précise ce dans quoi l’équipe de projet et la direction sont prêtes à s’engager, en toute connaissance de cause. Il est indispensable pour la mise sur pied du projet tout autant que pour son exécution. Bernard Lebrun, aguerri en gestion de projets, nous partage son expérience et quelques outils pour ce faire.
En gestion de projet, une des étapes cruciales consiste d’abord à définir le projet. Cette préparation à l’exécution d’un projet est une pratique courante et capitale. Elle permet de jeter les bases d’un projet, d’en définir le périmètre, d’établir les divers requis pour sa réalisation et de s’assurer de l’alignement de toutes les parties.
Sous la responsabilité du chargé de projet qui en fera la rédaction, ce document doit être le résultat d’un travail collaboratif avec les équipes de projet et les diverses parties prenantes à l’interne et à l’externe de l’entreprise.
L’exercice demande de la réflexion et plusieurs discussions avec les gens concernés. Le but d’un document de définition de projet est d’en faire ressortir tous les éléments clés nécessaires à la prise de décision, en l’occurrence obtenir l’approbation de la direction pour aller de l’avant avec ce projet. Un autre objectif visé par ce travail et loin d’être négligeable : la gestion des attentes tant de la direction que de l’équipe projet.
Une entente contractuelle
Pourquoi ce document est-il si important qu’il ne doit surtout pas être escamoté? Plusieurs raisons militent en faveur d’une bonne définition de projet :
- S’assurer d’une compréhension commune du pourquoi et de l’objectif par l’équipe de projet, les parties prenantes impliquées à l’interne et à l’externe, et par le comité de direction/gouvernance du projet.
- En définissant clairement le périmètre du projet (le ‘scope’), ce qui est inclus et ce qui ne l’est pas, les livrables, les requis pour l’exécution, les critères de succès, etc., ce document décrit l’engagement de l’équipe envers la direction, ce qu’elle doit exécuter et livrer selon des paramètres précis. De même, l’équipe précise à la gouvernance ce dont elle a besoin pour réaliser avec succès le projet.
- En fait, en plus de servir d’outil de communication, la définition de projet est un document qui tient lieu « d’entente contractuelle » entre l’équipe de projet et l’administration de l’entreprise. L’objectif est d’obtenir l’approbation de la direction en échange de la livraison du projet tel que présenté dans ce document.
Une information précise et concise
Il arrive parfois de voir des définitions de projet transmises aux décideurs qui comportent plus d’une dizaine de pages. On peut prévoir que ces derniers ne pourront faire qu’un survol du document pour en prendre connaissance. Dans un tel contexte, la compréhension des enjeux du projet risque d’être plutôt faible. Dommage, car il pourrait en résulter un non-alignement des gens impliqués, de multiples révisions qui se traduiront par des coûts supplémentaires, des délais, des impacts négatifs sur le moral des équipiers, etc.
Aussi pour que les informations transmises dans la définition de projets soient bien comprises et partagées par tous, la rédaction de ce document exige la concision. C’est pourquoi l’IDP propose un formulaire de deux pages qui couvre l’ensemble des critères qui serviront de base décisionnelle à l’approbation d’un projet (voir la figure 1). Ceci force l’équipe à des énoncés brefs et clairs, en se limitant à l’essentiel.
En général, on y retrouve entre autres les éléments suivants :
- L’origine du projet, le pourquoi
- Les objectifs à atteindre, les attentes et les critères de succès
- La nature du projet et son périmètre : ce qui est inclus et ce qui ne l’est pas, les hypothèses, les contraintes, les risques, etc.
- Les types de livrables et les dates clés
- Les requis pour l’exécution : financiers, ressources humaines, responsabilités et autorisations
- Des informations relatives à la position du produit/service dans le portefeuille de produits peuvent s’avérer pertinentes.
Figure 1
Formulaire pour une définition de projet concise
Un tel document standardisé facilite une prise de connaissance globale des enjeux du projet pour les décideurs. Les informations essentielles sont présentées de façon concise, faciles à repérer et toujours au même endroit (finances, marketing, portes, etc.). Cela facilite aussi la rédaction par le chargé de projet. Le travail en arrière-plan (structure de répartition du travail (WBS), diagramme de Gantt, analyse de risque, besoin clients/marché) doit cependant être disponible, si toutefois les décideurs demandaient des explications.
Ce document comporte également une section pour les révisions et leur approbation. Le projet est évolutif et le formulaire doit pouvoir en rendre compte. Mais il arrive souvent qu’un projet soit modifié pour mille bonnes raisons et que les approbations ne suivent pas. Attention, cette situation peut occasionner de très mauvaises surprises lors de la fermeture du projet.
La « définition de projet » regroupe les informations que l’on retrouve sous différentes appellations telles que « Charte de projet », ‘Project Scope’, « Cahier de charges » ou ‘Product Requirements Document’ (PRD). Bien sûr, un tel formulaire doit être adapté au contexte et langage de votre entreprise.
Il faut également faire une différence entre l’élaboration d’une définition de projet et la « planification de projet ». Ces deux activités sont essentielles. La définition de projet est un intrant à la planification de projet. Et le résultat de la planification devient un intrant à la section « exécution » du document définition de projet.
Autre outil complémentaire : le rapport d’avancement du projet
A cette pratique, on peut en associer une autre : le « rapport d’avancement du projet » souvent établi sur une base mensuelle. Ici aussi une approche standardisée et concise peut être profitable afin que le comité de gouvernance puisse procéder rapidement à la revue des projets. Voir la figure 2 ci-dessous :
Figure 2
Rapport d’avancement du projet
Ce formulaire met l’accent sur les éléments suivants :
- Un diagnostic de l’état de santé du projet. La plupart du temps, on ne discutera que des projets dont le voyant est jaune ou rouge. Pour un comité de gouvernance, il y a peu de valeur à discuter des projets qui vont bien (au vert).
- L’occasion de souligner les bons coups. C’est toujours bon pour le moral des équipes et des équipiers de faire connaitre et de partager les bons coups de ses membres.
- Relater les événements clés dans le déroulement du projet (passé récent et futur proche).
- Et porter une attention aux éléments récents pouvant affecter l’exécution du projet.
Ce type de format permet une vue globale du projet plutôt qu’une description des solutions. Celles-ci feront plutôt partie des revues de conception ou revues de projets.
En conclusion
Voilà deux outils de gestion de projet simplifiés et efficaces. Le tout bien sûr doit être adapté à la dynamique des entreprises. Il est important de retenir que la définition de projet est un document de communication servant de base à l’approbation du projet proposé. Mais la qualité du projet et la stabilité de l’équipe dépendent également de la compréhension du projet par les membres, de ses enjeux et limites.
Pour garder le moral des troupes, il importe de bien gérer les attentes et les engagements (livrables, budget requis, disponibilité des ressources) des gens impliqués dans le projet. C’est pourquoi il importe de bien définir les exclusions dans l’établissement du périmètre du projet. Car le fait de ne pas les nommer peut être source de malentendus ou de déceptions.
Bernard Lebrun est diplômé en design industriel et évolue depuis toujours dans le monde du développement de produits. Gestionnaire reconnu pour avoir occupé les postes de directeur général et directeur de la R-D au sein de diverses entreprises manufacturières telles que Maax et Premier Tech, il connait bien la dynamique des milieux entrepreneuriaux. Les dernières années ont été consacrées à des activités de consultation permettant le transfert aux entreprises d’une expertise terrain.
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