par Benoit Poulin, ing., directeur général de l’IDP
Le gestionnaire de produits et l’analyste d’affaires ont beaucoup en commun : ils soutiennent la stratégie corporative et sont au cœur de la définition des requis. Experts des besoins clients, ils assument un leadership dans le développement de nouvelles solutions. L’innovation est leur moteur au quotidien. Exercent-ils les mêmes rôles? Ont-ils pour autant le même profil? Qu’en est-il au juste?
J’ai eu l’opportunité d’occuper ces deux fonctions au cours de ma carrière, d’abord en tant que gestionnaire de produits, puis comme analyste d’affaires. Je peux affirmer que les aptitudes et compétences acquises à titre de gestionnaire de produits m’auront été plus que bénéfiques dans le rôle d’analyste d’affaires. Basé sur mon expérience terrain, je vous propose aujourd’hui un parallèle entre ces deux fonctions.
Analyste d’affaires, un rôle récent
C’est dans les années 1990 que le rôle d’analyste d’affaires a pris de l’importance, à la suite des échecs répétés dans les projets des entreprises en TI. À cette époque, l’idée était de compléter les équipes traditionnelles de développement informatique, dirigées par des gestionnaires de projets, avec un coéquipier supplémentaire. La responsabilité principale de ce dernier : se concentrer sur le client, ses besoins, tout en ayant une vision globale plus « business » du projet de développement logiciel.
Aujourd’hui, les analystes d’affaires occupent une place importante dans les firmes de développement logiciel et les cabinets de services-conseils. Leur rôle réside surtout dans l’analyse des processus de gestion en place chez leurs clients et la proposition de solutions pour répondre à leurs besoins. Bref, ils créent des ponts entre les clients et les équipes internes de développement.
De plus en plus d’organisations commencent à se doter d’analystes d’affaires à l’interne dont la définition de tâches peut varier beaucoup d’une entreprise à l’autre. Tantôt, ils sont appelés à faire l’analyse en continu des processus de gestion de l’entreprise afin de proposer des améliorations qui intègrent des concepts de « lean management » et les nouvelles tendances dans les outils de gestion. Tantôt, ils sont impliqués dans la définition des projets et l’analyse des solutions possibles (internes ou externes). Ils peuvent même être mis à contribution dans la définition de la stratégie corporative en proposant des axes d’innovation et d’amélioration, en fournissant des données et analyses sur la gestion des opérations globales de l’entreprise, et en signalant les nouveaux outils disponibles sur le marché, résultats de leurs activités de veille. Bref, ils se spécialisent dans l’innovation, mais de l’intérieur!
Malgré que cette fonction soit de mieux en mieux définie, la profession d’analyste d’affaires n’existe pas encore. On parle plutôt d’un rôle pour le moment. Le corpus de connaissances, de compétences et de pratiques est relativement récent. La création de l’IIBA (International Institute of Business Analysis) , en 2003, vise à structurer cette profession par l’établissement de normes et à offrir plus de visibilité aux tenants du titre.
Quant à la fonction de gestionnaire de produits, elle a pris de l’importance vers les années 1970, soit au moment où on commençait à distinguer le développement de produits du marketing traditionnel. Comme pour l’analyste d’affaires, les responsables de la gestion de produits doivent avant tout mettre l’accent sur la compréhension des besoins des clients. Évidemment, il va de soi que le gestionnaire de produits ou l’analyste d’affaires doit bien connaitre les produits de l’entreprise. Pour en apprendre davantage sur le rôle de gestionnaire de produits, je vous invite à lire l’article de ma collègue Magali Pelletier sur ce sujet.
Un savoir-être avant tout
Que ce soit pour la fonction d’analyste d’affaires ou de gestionnaire de produits, les gens qui correspondent à ces profils ne sont pas légion, même encore aujourd’hui. Pour connaître du succès dans l’une ou l’autre de ces fonctions, il s’agit d’abord d’exercer un excellent « savoir-être ». En effet, on s’attend d’eux qu’ils démontrent des compétences non techniques en étant :
- des rassembleurs et mobilisateurs afin d’agir comme des agents de changement;
- de bons leaders et influenceurs sans avoir aucune autorité réelle sur les équipes de projet;
- de bons communicateurs tant avec les clients internes qu’externes, les équipes de développement et les membres de la direction;
- à l’écoute des besoins;
- de bons vulgarisateurs pour traduire des besoins en requis techniques et les solutions en propositions de valeur pour le client;
- à la fois analytiques, structurés mais aussi créatifs;
- des « intrapreneurs ».
Ces personnes doivent avoir le courage de donner l’heure juste lorsque requis et l’humilité d’accepter les refus de la direction quant à l’avancement de leurs projets. De plus, il importe de respecter les divergences d’opinion (mon mentor m’a souvent répété que le premier concept est rarement le meilleur). On veut que ces individus « créent des ponts » entre les divers groupes de l’organisation.
Et des savoir-faire similaires
Que ce soit pour développer de nouveaux produits, modifier des procédés de fabrication ou des processus de gestion, le processus d’innovation est sensiblement le même : des étapes de projets en amont pour définir le projet et la solution, des étapes pour le développement, les tests et le déploiement de la solution. Bien souvent, l’analyste d’affaires et le gestionnaire de produits seront appelés à assumer le leadership dans les phases en amont. Par la suite, leur implication dans les autres phases du processus aura surtout pour objectif de s’assurer de la bonne direction du projet quant à sa pertinence à répondre aux besoins des clients.
Ainsi, peu importe la nature du projet, l’analyste d’affaires et le gestionnaire de produits doivent être en mesure de gérer ou de réaliser eux-mêmes certains livrables clés tels que l’analyse des besoins de la chaine clients (internes ou externes), le « business case » et le cahier des charges, pour n’en citer que quelques-uns.
Deux agents de croissance organique
On le sait, l’innovation n’est pas que l’affaire des gens de R-D; elle concerne tous les départements et unités d’affaires de l’entreprise. Ce n’est pas non plus la responsabilité d’une seule personne mais bien un travail d’équipe. Aussi, c’est lorsqu’ils sont jumelés à des gestionnaires de projet et intégrés à des équipes multidisciplinaires que les analystes d’affaires et les gestionnaires de produits peuvent déployer leur plein potentiel et avoir le plus d’impact!
On est donc ici à la recherche d’oiseaux rares! Si vous pensez avoir le savoir-être requis, sachez que les offres d’emploi pour ces fonctions ne manquent pas. Si bien que nous voyons de plus en plus de gestionnaires de produits sans compétences spécifiques en marketing et des analystes d’affaires sans profil « technologies de l’information ». C’est indéniable, ces « nouvelles » fonctions contribuent directement à la croissance organique des entreprises.
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