Par David Fauteux, ing. jr
Nombreuses sont les entreprises qui aimeraient pouvoir prévoir l’évolution de certaines technologies émergentes dans le marché, celles qui auront un impact majeur sur le développement de leurs nouveaux produits. Les entreprises en mesure d’anticiper le futur, grâce à une veille de leur environnement et à une connaissance des consommateurs, bénéficient d’une longueur d’avance pour déployer une stratégie d’innovation proactive et devenir leader dans leurs marchés.
Depuis plus de 50 ans, différents modèles ont été créés pour illustrer tant l’évolution d’un produit ou d’une technologie sur le marché que le processus d’adoption par les consommateurs. Ces modèles peuvent fournir des informations précieuses pouvant aider les gestionnaires à définir leurs stratégies d’innovation, à mieux gérer leur portefeuille de produits et à raffiner les stratégies marketing. Bref, mieux connaître son environnement permet de prendre les bonnes décisions au bon moment. Retour sur ce que peuvent nous apprendre ces modèles.
Cycle de vie d’un produit
La commercialisation d’un produit ou d’une technologie passe par des phases bien définies entre leur lancement et leur retrait du marché dans le temps, comparables à l’évolution d’un organisme vivant, et qu’on appelle cycle de vie d’un produit. De manière générale, on dénombre quatre phases principales : l’introduction ou lancement, la croissance, la maturité et le déclin.
L’évolution d’un produit à travers ces stades n’est pas toujours assurée. Certains produits semblent rester au stade de maturité de façon permanente alors que d’autres ne parviendront jamais à atteindre la croissance. Pour certaines technologies, le déclin débutera quelques années après le début de la croissance alors que pour d’autres, il faudra plus d’une décennie pour atteindre la phase de maturité.
Dans le cas de nouvelles technologies, la transition entre l’introduction et la croissance ne se fait pas nécessairement de manière simple et linéaire. À cette étape, le passage n’est pas garanti et on enregistre souvent un fort taux d’échec commercial. Ce sont les forces du marché qui décideront de sa survie : l’adoption ou le rejet par les consommateurs.
Courbe d’adoption
Et c’est là qu’entre en jeu un autre modèle qui nous aide à comprendre comment les consommateurs vont se comporter à l’égard d’un nouveau produit ou technologie. Introduite en 1962 par Everett Roger sous l’appellation Courbe de diffusion de l’innovation, la Courbe d’adoption illustre différents groupes homogènes de consommateurs en fonction de leur vitesse d’adoption d’un produit ou d’une technologie dans le temps. Le terme consommateurs s’applique tant aux individus qu’aux entreprises clientes d’une technologie.
- les Innovateurs (2,5 % de la population) : ils sont à la poursuite des technologies, souvent avant même le déploiement marketing de celles-ci. La technologie est centrale à leurs activités, peu importe le type de gain qu’elle leur apportera.
- les Adopteurs précoces (13,5 %) : ils sont allumés par les nouveaux produits. Ils comprennent facilement les gains à long terme derrière les technologies même lorsque celles-ci ne sont pas tout à fait optimales.
- la Majorité hâtive (34 %) : elle a une approche pragmatique de la technologie. Elle est ouverte au changement à condition que la technologie lui apporte des bénéfices à court terme. Elle préfère minimiser son risque en regardant d’autres acteurs faire les premières percées avec cette technologie avant d’y adhérer, quitte à ne pas se positionner comme leader.
- la Majorité tardive (34 %) : elle partage pratiquement toutes les caractéristiques de la majorité hâtive sauf pour un élément important, sa facilité à utiliser la technologie. La principale motivation de l’adoption de la technologie est le coût ou la perte de marché associée au refus de réaliser la transition technologique.
- les Retardataires (16 %) : ils n’ont tout simplement pas d’intérêt pour la technologie en général, parfois pour des raisons personnelles, parfois économiques.
Si les Innovateurs et les Adopteurs précoces sont assez faciles à convaincre car très sensibles à l’innovation, la Majorité hâtive, elle, exigera qu’on lui démontre concrètement les bénéfices à court terme. Ce passage pour aller chercher la Majorité hâtive constitue un moment critique que Geoffrey Moore, dans son ouvrage « Crossing the Chasm » nomme le gouffre.
Cette transition est essentielle car c’est là où l’innovation sort de son marché de niche pour entrer dans un marché de masse. Si on relie ce phénomène au cycle de vie d’un produit, cette étape critique se situe entre la phase d’introduction et celle de croissance. L’instabilité de cette transition est directement liée au comportement des consommateurs et à la capacité de l’entreprise de transformer sa proposition de valeur de gains à moyen terme en résultats à court terme. Il faut donc viser les bons consommateurs, au bon moment, avec la bonne proposition.
Le Cycle de Hype
Popularisé par la firme de consultants Gartner inc. qui en a fait une marque déposée, le Cycle de Hype est une représentation graphique qui permet d’avoir un aperçu du stade d’évolution d’une technologie à un moment précis, tout en estimant une période nécessaire pour qu’elle atteigne la maturité commerciale. Selon ce modèle, l’évolution de l’intérêt des consommateurs pour une nouvelle technologie passe par différentes phases, de l’engouement à la désillusion, avant de retrouver une pertinence qui assurera un développement progressif et solide du marché.
Ce modèle illustre bien la fragilité des nouvelles technologies aux premières phases de leur commercialisation. Contrairement au Cycle de vie d’un produit, l’évolution d’une technologie ou d’un produit selon le Cycle de Hype ne se passe généralement pas de façon linéaire. L’atteinte de la croissance peut être très rapide ou prendre des années. Le Cycle de Hype est en quelque sorte un « zoom » sur une section précise du cycle de vie, celle de la transition entre l’introduction et la croissance d’un produit sur le marché. Cette représentation graphique fournit également un degré de détail sur les technologies émergentes présentes dans cette zone, tout en émettant une prévision de maturité commerciale.
Ce qui est nécessaire de comprendre ici ce sont les difficultés associées à la perception des consommateurs qui peuvent vivre une forme de « désillusion » lorsque confrontés à l’intégration de cette technologie dans leurs pratiques courantes, et ce, après avoir nourri de grandes attentes à l’égard d’une technologie. Il revient donc aux entreprises de trouver un modèle innovant de proposition de valeur qui intégrera ces technologies dans leurs produits pour pouvoir permettre une adoption massive des produits et technologies sous-jacentes.
Des outils de veille
Le Cycle de Hype offre une grande quantité d’informations sous une forme graphique condensée. D’un premier coup d’œil, il est possible de voir le positionnement d’une technologie donnée ou d’un ensemble de technologies émergentes et de mesurer rapidement le ratio risque/opportunité pour chacune d’elles dans le temps. Plusieurs entreprises l’utilisent comme outil de veille pour suivre l’évolution, évaluer le potentiel d’adoption ainsi que les opportunités.
À titre d’exemple, Gartner fait le point chaque année sur les cycles d’adoption de technologies émergentes. Voici l’édition 2017 parue dans la revue L’Usine Nouvelle, en août dernier.
Source : L’Usine Nouvelle
L’utilisation de tels outils nécessite d’aller chercher les informations pertinentes, que ce soit d’ordre technologique ou économique, mais également en ce qui a trait à l’évolution des usages des consommateurs et acheteurs potentiels. Cela s’ajoute à la gamme d’outils accessibles aux gestionnaires pour les aider à prendre des décisions stratégiques.
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