Par Benoit Poulin, directeur général de l’IDP
C’est sous le thème « Competitive Edge : Disruption by Design » que s’est tenue la conférence annuelle de la PDMA (Product Development and Management Association), début novembre à Orlando, Floride. Benoit Poulin, directeur général de l’IDP, y était et nous rend compte des plus récents développements dans le domaine de l’innovation et du développement de produits.
Par où commencer cet aperçu? La température? Géniale. Le lieu? Grandiose et opulent comme les Américains savent faire. Il faut dire que nous étions tout juste voisin du complexe de parcs d’attraction Walt Disney World. Les conférences? Pas tout à fait ce à quoi je m’attendais! Bien sûr, on y retrouvait de grandes entreprises, des conférenciers engageants et mobilisateurs, le tout encadré par une organisation hors pair. Mais pas de grandes révélations!
Entendons-nous, cela n’a pas été un grand show à la « Apple ». Pas de révélations fracassantes quant à ce que le prochain centenaire nous réserve. Juste du gros bon sens! En fait, les mêmes enjeux et les mêmes problèmes que nous rencontrons ici au Québec! Bref, nos PME vivent la même chose que les grosses entreprises internationales. Malgré tout, cette conférence m’aura permis de faire de belles rencontres constructives et d’apprendre quelques astuces que je vais tenter de vous résumer dans cet article.
Spécifions que le thème de ce colloque « Competitive Edge : Disruption by Design » était décliné dans les quatre secteurs que sont le BtoB, le BtoC, les logiciels et l’intelligence artificielle, et les services. J’ai participé à au moins une conférence dans chacun de ces secteurs.
Qu’est-ce que la PDMA?
Pour ceux qui connaissent un peu moins, PDMA (Product Development and Management Association) est un organisme sans but lucratif fondé en 1976 et qui réunit près de 2 000 membres : praticiens, consultants ou chercheurs qui œuvrent dans le domaine de l’innovation et du développement de produits. Leur mission est très similaire à celle de l’IDP, soit aider les entreprises à intégrer les meilleures pratiques en gestion du développement de produits. Ils ont en plus un programme de certification professionnelle, la certification NPDP (New Product Development Professional), reconnue dans le milieu.
De l’aveu même du directeur de son conseil d’administration, Allan Anderson, un Néo-Zélandais d’origine, PDMA se veut un mouvement beaucoup plus inclusif qu’elle ne l’a été par le passé. Perçue comme trop « américaine », l’organisation compte maintenant des membres et des chapitres sur tous les continents. Et pour preuve de l’évolution, PDMA publiera en 2020 une nouvelle version du Body of Knowledge (BoK), cet ouvrage de référence sur les multiples facettes de la gestion de l’innovation qui, promet-il, aura une saveur plus internationale.
L’Asie innovante!
Un des éléments forts de cette conférence, c’est l’intérêt des pays asiatiques pour le développement d’une culture d’innovation dans leurs entreprises. Elles ne veulent plus être que des fabricants! D’ailleurs, une délégation d’une dizaine de personnes de la Corée du Sud a participé activement aux échanges. Mentionnons que la PDMA a certifié près de 10 000 professionnels chinois en un peu moins de trois ans.
En effet, le gouvernement chinois désire former une nouvelle génération de professionnels qui permettra à leurs entreprises d’être encore plus concurrentielles en termes d’innovation et de développement de nouveaux produits sur les marchés mondiaux. En plus d’une vaste initiative en automatisation et en robotisation (le Plan chinois 2020), la Chine se dote maintenant d’une expertise locale de plus en plus solide en R-D. On voyait ça venir; c’est maintenant arrivé! Il faudra désormais veiller comment nous, entreprises, acteurs et gouvernements d’ici, pourrons faire en sorte d’être compétitifs contre ce géant asiatique!
L’usager au cœur du développement de produits!
Dès la première présentation du conférencier vedette, Jeevak Badve, vice-président Croissance stratégique de la firme Sundberg Ferar, le ton est donné pour ce qui deviendra la trame de cette conférence : l’implication de l’usager dans le processus de développement de votre nouveau produit! Selon lui, il ne suffit plus de développer les fonctionnalités des nouveaux produits pour satisfaire les usagers; il faut intégrer leurs émotions qui, elles, ont davantage d’impact dans le développement.
Le facteur « wow » est prépondérant pour l’utilisateur, très influencé par ses expériences de vie et de consommation au quotidien; celui-ci exige en outre l’accès simple et rapide à une très grande quantité d’informations et de données! Les produits ne doivent pas seulement « battre » ceux de la compétition, ils doivent aussi s’harmoniser aux autres produits qu’il utilise. Donc, la seule façon de réussir, vous l’avez deviné, c’est d’intégrer l’usager le plus souvent possible dans le développement du produit.
« Jobs to be done »
Autre observation, plusieurs conférenciers ont évoqué la notion de Jobs to be done. Ce concept, en lien avec les bénéfices attendus par l’usager, date de quelques années mais il a toujours une grande pertinence en développement de produits. C’est l’auteur Clayton Christensen, bien connu pour son bestseller The Innovator’s Dilemma, qui a contribué à la diffusion de ce concept. Pour en apprendre davantage, voici un article d’introduction fort intéressant.
Dans la même veine, Gabriel Renteria, Insights Manager chez Zillow Group, nous a fait part de son expérience dans l’application du concept Jobs to be done à un de ses projets de développement de produits. En bout de ligne, l’entreprise a réalisé que son nouveau produit ne répondait en rien aux besoins de la nouvelle clientèle ciblée. Encore pire, Zillow Group n’avait ni les ressources, ni les solutions pour combler les besoins identifiés! Par contre, grâce aux résultats tangibles de la démarche et à leur esprit innovateur, la firme a trouvé un partenaire externe avec qui développer ce nouveau produit. Selon Gabriel Rentaria, l’humilité a été le plus grand apprentissage dans cette expérience. Trop souvent nos perceptions, nos propres intérêts et ceux de l’organisation passent avant les besoins du client. Si ce n’avait été de cette approche, on parlerait ici d’un échec retentissant!
Selon Lauren Lackey, directrice principale chez The ReWired Group, il faut aller au-delà du concept de Jobs to be done et se concentrer sur le contexte d’utilisation du produit, son environnement. À son avis, ce sont les problèmes que rencontre l’usager (struggles) auxquels on doit s’attaquer pour trouver des solutions innovantes. Pour documenter ces « struggles », la conférencière propose aux utilisateurs de compléter la phrase suivante : « When I am … I do … So I can … ». C’est une façon de noter et de communiquer les difficultés vécues, tout comme les émotions, à l’équipe de projet tout au long du développement.
Pour compléter sur l’importance d’impliquer l’usager dans le développement de produits, nous avons eu droit à la présentation d’un projet d’universitaires sur une nouvelle technologie pour aider les chirurgiens dans les opérations d’ablation de la prostate. Pour ces étudiants, le constat est clair : dans ce type de projets, on devrait toujours travailler à identifier les Jobs to be done! Grâce à cette approche et à l’implication de tous les maillons de la chaine client (urologue, chirurgien, infirmiers, acheteurs, etc.), ils ont pu développer une nouvelle technologie qui aura un réel impact.
Et le développement de services dans tout ça?
Il en est de même pour le design de services qui requiert la même approche d’intégration de l’usager et de l’évaluation des Jobs to be done que doit rencontrer le service. Patrick McGowan, directeur principal chez The Service Design Group, a abordé dans son allocution les difficultés dans le design des services en raison de leur intangibilité. Parce qu’on ne peut prototyper un service comme on le ferait pour un produit physique, il faut utiliser des techniques telles que le « story board », les clips vidéo pour illustrer l’expérience client promise par le nouveau service. Il nous a également révélé que la plupart des entreprises manufacturières confondent capacité et aptitude par rapport à la livraison d’un vrai produit de service. De son point de vue, si le service n’est pas facturé ou ne correspond pas à un SKU dans le portefeuille de l’entreprise, ce n’est pas un service! Il s’agit ni plus ni moins que d’un geste de l’entreprise visant à satisfaire le client et qui, en bout de ligne, fait en sorte qu’elle « laisse de l’argent sur la table » ou pire, qu’elle va en perdre!
Il y a eu aussi Vele Galovski, vice-président recherche et conseils chez Tsia, qui nous a entretenu des tendances lourdes dans le secteur manufacturier. À son avis, les entreprises non seulement fabriquent, vendent et expédient leurs produits mais en plus, elles les détiennent et les opèrent à la charge même des clients! Les revenus dans le domaine du service explosent au détriment des revenus générés par les produits manufacturés, incluant même les logiciels.
Et la magie de Disney opère encore…
Pour conclure cette conférence, il y a eu la présentation de Scott Vedder, Senior Facilitator au Disney Institute. Les 300 participants inscrits au colloque y étaient tous réunis. Et nous n’avons pas été déçus. Mentionnons que le Disney Institute est l’organisme de formation du personnel et du développement des affaires et des produits pour les parcs d’attraction du Walt Disney World. À l’instar dehttps://www.disneyinstitute.com l’image de marque de Disney, Scott Vedder est un homme accessible et chaleureux, à la fois lumineux et mobilisateur.
Son témoignage a porté essentiellement sur le leadership que CHACUN des employés des parcs Disney déploie au quotidien dans sa sphère d’activité et ce, qu’il soit un acteur costumé, un préposé à la billetterie ou un intervenant en développement de produits. C’est d’ailleurs le travail de M. Vedder et de son équipe de dénicher les gens qui ont ce potentiel de leadership et de les former. Car oui, il croit que le leadership peut s’enseigner.
Mais pour que ce leadership fonctionne, l’entreprise doit avoir une vision commune, une direction claire pour chacune des décisions prise; le True North, comme dirait M. Vedder. Et la vision de Disney est de créer du bonheur. C’est ce qui motive chacune des actions des employés. Basée sur les valeurs fondamentales de l’entreprise et endossée par tous les employés, cette vision commune nourrit la magie du monde de Disney. Leurs dirigeants ont une confiance presque aveugle en la prise de décision de chacun des employés car ils savent que tous partagent la même priorité. Si, par exemple, un employé s’est livré à d’autres tâches que les siennes, c’est assurément pour créer du bonheur auprès d’un ou plusieurs visiteurs.
Pour les gestionnaires de Disney, cela exige un travail de tous les instants. Il ne s’agit pas de faire de la micro-gestion auprès des employés mais de s’assurer que les valeurs et la vision soient bien comprises par tous; et le reste suivra. Ces valeurs et cette vision sont les mêmes que les frères Walt et Roy Disney ont su mettre en place en 1955 lors de la création de Disneyland en Californie. Je vous recommande fortement d’aller faire un tour sur leur site : disneyinstitute.com >
Difficile de vous résumer une dizaine de conférences en quelques pages. J’aurai l’occasion de présenter plus en détail certains apprentissages, notamment lors du Sommet de l’IDP, en juin prochain. N’hésitez pas à nous écrire si vous souhaitez que nous abordions plus en profondeur certains sujets dans un prochain article.
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