Par Laurent Gauthier-Pelletier, conseiller en innovation durable et responsable à l’IDP
Au Québec, la transition vers l’économie circulaire est déjà bien amorcée dans certains secteurs d’activité tels les transports, la foresterie et les énergies renouvelables. Or, démarrer un projet d’économie circulaire en entreprise requiert plus que la bonne volonté de ses dirigeants. Cela suppose de tisser des liens étroits avec l’ensemble des acteurs de leur chaine de valeur. Ça semble évident, mais peu d’entreprises le font avec assiduité. De retour de la conférence annuelle Circularity 23 qui a eu lieu en juin dernier, Laurent Gauthier-Pelletier nous précise pourquoi cet engagement est crucial.
Au cours des trois jours de la conférence Circularity 23, j’ai eu la chance de discuter avec des représentants d’entreprises d’envergure telles que Microsoft, Amazon, Dell, Google. Ces rencontres m’ont permis de me rendre compte à quel point ces grandes organisations doivent se battre contre vents et marées pour mener à bien leurs projets environnementaux. Heureusement, elles peuvent compter sur une certaine aisance en matière de ressources financières et humaines, ce qui n’est pas le cas de la plupart des PME.
Et lors de la présentation des Leaders émergeants, plusieurs d’entre eux ont insisté sur l’importance de la collaboration entre entreprises pour obtenir des résultats durables et responsables. Partant de ce constat, il m’est apparu essentiel que l’organisation qui amorce un projet d’économie circulaire (ou de développement durable) s’assure non seulement d’impliquer plusieurs fonctions à l’interne mais établisse des partenariats avec les communautés, entreprises locales, citoyens, politiciens et toutes personnes pertinentes pour une bonne compréhension et réalisation de son projet.
L’économie circulaire, ça veut dire quoi?
« L’économie circulaire est un système de production, d’échange et de consommation visant à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un service, dans une logique circulaire, tout en réduisant l’empreinte environnementale et en contribuant au bien-être des individus et des collectivités. » – Pôle québécois de concertation de l’économie circulaire
Ce nouveau modèle économique implique : 1) de repenser nos modes de production-consommation pour consommer moins de ressources et protéger les écosystèmes qui les génèrent et 2) d’optimiser l’utilisation des ressources qui circulent déjà dans nos sociétés. Voir la figure 1.
En tant que système, l’économie circulaire s’inspire directement des phénomènes naturels. Le capital naturel est préservé par la récupération des matériaux des objets en fin de vie (extrants) devenant ainsi la matière première (intrant) pour la fabrication de nouveaux objets.
Enfin, la notion d’économie circulaire réfère à l’écoconception, l’économie de partage, l’économie de la fonctionnalité, de reconditionnement, de don et revente, de réutilisation, de recyclage et bien d’autres. L’objectif principal étant de « boucler les boucles » de flux de ressources, de composants, de produits, etc.
L’intégration des parties prenantes, un must!
En bref, les projets d’économie circulaire visent à réduire les déchets, à maximiser l’utilisation des ressources et à créer des systèmes plus durables. Passer à une économie circulaire amène les organisations à développer de nouveaux services, comme la vente de produits reconditionnés, et de nouveaux modèles d’affaires, comme l’économie de fonctionnalité. Et du coup, cela entrainera dans l’entreprise des changements dans leurs processus de production, de consommation et de gestion des déchets.
Ces changements ne pourront s’opérer sans la contribution des dirigeants de l’organisation, et de la fonction planification et stratégie. Ils ont évidemment un rôle-clé à jouer pour engager l’ensemble des fonctions de leur organisation. Mais cette démarche suppose également de tisser des liens plus étroits avec l’ensemble des acteurs de leur chaine de valeur, ce qui peut modifier significativement la nature de leurs liens avec clients et fournisseurs.
Il est donc crucial de prendre en compte les besoins, les préoccupations et les perspectives de toutes les parties prenantes impliquées dans cette chaine de valeur. La figure 2 illustre les parties prenantes prenant part aux activités d’une entreprise.
La cartographie des acteurs impliqués, un livrable essentiel!
La mobilisation des employés des divers départements, des fournisseurs, des usagers, des gouvernements, des actionnaires est essentielle. En résumé, toutes les personnes impliquées dans votre projet doivent être mises au courant de votre démarche de développement durable, car c’est seulement de cette façon que vous aurez un réel impact durable (ce qui est vrai pour tout projet d’innovation, il faut bien le dire). Il faudra d’abord faire la cartographie des parties prenantes ou acteurs, dresser une liste la plus précise possible. Grâce à cette liste, vous serez en mesure de les contacter pour voir leur intérêt à s’associer à un projet de réduction de l’impact. Vous pourrez également les tenir informées de l’évolution des besoins, des changements dans le marché, etc.
Cela peut vous sembler anodin mais établir une liste complète et prendre le temps de contacter ou de se renseigner sur chacune des parties prenantes est un exercice qui exige un effort de terrain important en amont d’une initiative ou d’un projet. Il est presque impossible pour un seul acteur en entreprise de constituer une liste exhaustive et d’avoir les contacts nécessaires pour la conduite de l’enquête. La collaboration de tous les départements est nécessaire pour rendre accessible et réaliste ce livrable ESSENTIEL. Un seul maillon manquant de cette chaîne pourrait faire dérailler votre projet; alors il vaut mieux s’y préparer tôt dans le projet avant de dépenser gros. Cette « voix du client » si indispensable est malheureusement trop souvent étouffée par les « je pense que » et les « a priori » des acteurs internes de l’entreprise. En innovation, assumer peut coûter très cher.
Je vous propose d’établir cette liste en évaluant pour chacune des parties prenantes (disons selon une note allant de 0 à 3), jusqu’à quel point vous connaissez les besoins et la réalité de celle-ci et son pouvoir d’influence sur votre projet. Celles qui seront notées comme les plus potentiellement influentes et dont vous connaissez le moins les besoins devraient constituer votre priorité! Voilà un petit truc simple pour vous mettre en action rapidement!
À la clé, d’importants bénéfices
Voici quelques motifs et avantages d’intégrer les parties prenantes les plus pertinentes dans un projet d’économie circulaire :
- Expertise variée : Les parties prenantes, qu’il s’agisse d’entreprises, d’organisations non gouvernementales, de gouvernements locaux, de communautés locales ou d’experts du secteur, apportent une expertise variée et des points de vue différents. Leurs connaissances peuvent contribuer à identifier des solutions innovantes et à anticiper les défis potentiels. Elles viendront confirmer ou infirmer votre intuition et complèteront votre bagage de connaissances.
- Acceptation et soutien : Impliquer les parties prenantes dès le début du processus peut favoriser une plus grande acceptation et un soutien accru pour le projet. Les parties prenantes qui se sentent écoutées et incluses sont plus susceptibles de collaborer et de soutenir les efforts de mise en œuvre.
- Identification des enjeux : Il va de soi que les parties prenantes peuvent aider à identifier les enjeux environnementaux, sociaux, économiques et techniques spécifiques liés au projet dans leur contexte particulier, information que l’on ne connait généralement pas si on n’a pas eu d’échanges avec elles. Cette compréhension approfondie des défis permet évidemment de mieux les anticiper en début de projet, de trouver proactivement des solutions ou sinon des contingences.
- Planification efficace : En collaborant avec les parties prenantes, il est possible de développer des plans et des stratégies plus solides et plus réalistes. Les commentaires et les contributions des parties prenantes aident à ajuster les objectifs et les mesures pour les aligner avec les besoins réels.
- Engagement à long terme : L’engagement des parties prenantes peut contribuer à maintenir l’attention et l’engagement à long terme envers le projet. Ils peuvent jouer un rôle dans la surveillance continue, l’adaptation et l’évolution du projet à mesure que les circonstances changent. Dans un projet, avancer en partenariat est par moments plus simple que d’avancer seul.
- Solutions holistiques : Les projets d’économie circulaire ont tendance à être complexes et interconnectés. Les parties prenantes peuvent aider à identifier les synergies et les opportunités d’intégration entre différents aspects du projet.
En conclusion
En somme, l’intégration des parties prenantes dans le processus d’un projet d’économie circulaire est essentielle pour garantir le succès et la pérennité du projet. Elle prend en compte une gamme complète de perspectives, d’expertises et de besoins.
Pour conclure, je vous invite à prendre une initiative en contactant l’une de vos parties prenantes dont Synergie Québec. Tenter de voir avec elle son intérêt en développement durable et ce que vous pourriez faire ensemble pour aller plus loin. Boucler les boucles d’une économie circulaire implique plus d’un acteur. Êtes-vous prêt à vous allier? N’oubliez pas, c’est un pas à la fois que nous avançons!
Pour en savoir plus
Conférence Circularity 23 : faits saillants
How to build a circular business model that works
L’économie circulaire présentée par les actrices et les acteurs du changement
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Laurent Gauthier-Pelletier a joint les rangs de l’IDP en 2021 à titre de conseiller en innovation durable et responsable. Ce jeune designer de produits fait montre d’une grande polyvalence dans les champs de compétence que sont les processus de conception des produits, la recherche en design et le développement durable. Sa vision systémique des problèmes de design, sa capacité d’écoute et sa rigueur en font déjà un collaborateur efficace et apprécié. Il est le formateur du programme Écoconception : passez à l’action.
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