C’est sous le thème « Accélérer l’économie circulaire » que s’est tenue les 5, 6 et 7 juin derniers la conférence annuelle Circularity 23 à Seattle, Washington. Notre collègue Laurent Gauthier-Pelletier, conseiller en innovation durable et responsable à l’IDP, y était et nous relate les principaux moments qui ont retenu son attention. Vous constaterez dans cet article toute la créativité et l’énergie déployées pour réduire l’empreinte carbone découlant de nos activités.
Accélérer l’économie circulaire
Je reviens tout juste de l’évènement Circularity 23 entièrement consacré à des thématiques reliées à l’économie circulaire qui s’est tenu au début du mois à Seattle, Washington. Cette conférence a lieu une fois par année aux États-Unis depuis 2018 et regroupe des professionnels de partout à travers le monde, acteurs dans la transition vers une économie circulaire.
Organisé par GreenBiz spécialisé dans le domaine de la transition vers une économie propre, l’événement proposait conférences, ateliers et exposition sur des thèmes très variés, allant du design à l’emballage, de la logistique à la mesure, du textile au plastique, et de l’électronique, etc. Bien sûr, ces sujets étaient abordés sous l’angle de stratégies d’innovation, d’approvisionnement et de distribution, des étapes du cycle de vie du produit, de l’extraction de la matière à la fin de vie. Pour ma part, j’ai sélectionné des conférences en lien avec l’innovation, les stratégies, le design et les chaines de valeur.
Circularity 23 s’est déroulée sur trois jours dans la magnifique Ville de Seattle, sur la côte ouest américaine. J’ai eu la chance de rencontrer des personnes de tous horizons, que ce soient des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Australie, des Pays-Bas et bien d’autres. Plus de 1400 personnes ont participé à cette conférence axée sur l’accélération de la transition vers l’économie circulaire, ce qui démontre tout l’intérêt pour le sujet.
Design et impact des générations
La première journée a démarré avec une session comportant trois allocutions portant sur les pistes et stratégies de design qui peuvent contribuer à l’économie circulaire. Sous le titre Designing for circularity from the ground up, plusieurs panélistes et conférenciers se sont passé le micro dans le but de nous partager des outils, pistes de réflexion et exemples.
Lors de la première discussion, la Fondation Ellen MacArthur nous a présenté son nouveau guide pour inciter les designers à intégrer l’économie circulaire dans leurs projets. Ce guide propose six leviers : observer et interpréter le système en place (1), imaginer les futurs circulaires (2), créer des conditions à la collaboration (3), construire des compétences en design circulaire (4), réécrire les règles (5) et développer des outils pour le design et l’évaluation (6). Ces leviers permettent aux designers de démarrer une démarche d’économie circulaire une étape à la fois. Le point central du propos est qu’il faut collaborer et mesurer. Pour en savoir plus >
La deuxième discussion a porté sur des stratégies de mise en place au sein des entreprises. Une représentante de l’entreprise Eileen Fisher, marque de vêtements haut de gamme, nous a présenté les trois étapes de leur programme de design circulaire. La première est de concevoir des produits à partir de matériaux durables, issus de programmes d’approvisionnement responsable, et au design intemporel. La deuxième vie est offerte par le programme de reprise de vêtements. L’entreprise offre au clients un montant d’argent pour reprendre les vêtements qui ne sont plus portés dans le but de les revendre sur leur plateforme de vêtements reconditionnés. Enfin, la troisième vie est de concevoir des sacs à partir de retailles de tissus et des vêtements qui ne peuvent être revendus. De cette manière, la marque s’assure d’avoir un approvisionnement en matières premières tout en gérant la fin de vie. Ces stratégies réduisent considérablement la pression sur les systèmes de gestion de fin de vie et permettent de boucler la boucle de l’économie circulaire. Pour en savoir plus >
Enfin, la troisième discussion de ce panel a traité des interventions des designers pour optimiser la fin de vie des produits et, en ce sens, l’allocution de Joe MacLeod, fondateur de la firme suédoise AndEnd, m’a particulièrement interpelé. Cette firme de design travaille sur la fin de vie des produits et accompagne les entreprises pour une meilleure conception de cette étape. La fin de vie d’un produit signifie le désengagement de l’utilisateur, la perte de valeur du produit à la suite d’un bris ou de l’arrivée d’un nouveau produit sur le marché. La fin signifie également une complexité de gestion, les consommateurs ne sachant pas trop comment disposer du produit (par exemple le cellulaire qu’on range dans un tiroir quand on le remplace). La méthodologie qu’il propose permet de concevoir une meilleure expérience de fin de vie entre l’usager et le produit. L’angle choisi : des stratégies de modularité ou de réparation facilitée permettant de réduire la pression sur les écosystèmes. Il nous a d’ailleurs présenté l’exemple du Fairphone, un téléphone disponible en Europe complètement démontable et réparable par l’usager. Les possibilités sont grandes et laissent place à l’imagination. Allez-vous combler le « end gap? »
Une autre discussion qui a beaucoup résonné en moi est celle où il est question du rôle de la génération Z en économie circulaire. Comme un cri du cœur pour réveiller les chefs d’entreprise : « Si nous ne bougeons pas collectivement, nous n’y arriverons pas. » Pour de réels impacts, les panélistes issus de la GenZ proposent de faire confiance à leurs congénères en leur donnant la chance d’occuper des fonctions stratégiques plus rapidement. Étant fraîchement sortis de l’école, ces derniers accordent une grande importance à l’éducation et à la sensibilisation des autres générations, au besoin criant de changer de modèle et de se diriger vers un modèle régénératif et circulaire.
L’idée soutenue par leurs propos c’est qu’il faut collaborer et écouter ce que tout le monde a à dire. Les organisateurs de l’évènement ont aussi souligné la présence de jeunes leaders émergeants dans l’assistance, présentés comme l’avenir de l’économie circulaire. J’ai eu la chance de les rencontrer. Faisant partie de cette génération, cette présentation m’a beaucoup inspiré et fait réfléchir sur ma place en tant qu’acteur de changement dans cette transition.
Parenthèse…
Lors de l’évènement, nous avons eu l’occasion d’aller faire un essayage de chaussures de course de marque Brooks qui œuvre à réduire son empreinte carbone. Nous étions environ 35 personnes à courir et à discuter de nos efforts en termes de réduction d’impact environnemental dans nos vies personnelle et professionnelle. Ce fut un super moment. Je pense que ce genre d’activité montre bien que l’économie circulaire est tout autour de nous, pas seulement dans nos emplois, et que c’est important de se rattacher à nos valeurs personnelles dans le monde professionnel.
Logistique inverse et réparation
La conférence Cicularity 23 a aussi été un moment pour souligner l’impact de l’activité humaine sur la santé des écosystèmes, ainsi que les contrecoups subis par les communautés plus vulnérables. Dans cette optique, j’ai assisté à une discussion sur la logistique inverse équitable et juste. L’objectif de ce système est de reprendre la matière d’un produit en fin de vie et de créer des nouveaux systèmes de récupération, de reconditionnement, de revente et d’échange pour créer de la valeur.
La Ville de Baltimore, par exemple, a implanté un modèle de récupération du verre ce qui leur a permis de créer des infrastructures, des emplois et de la valeur avec une matière qui s’accumulait et qui causait des problèmes. Par ailleurs, la fondatrice et PDG de Sustain Our Future Foundation nous a interpelés en nous rappelant la nécessité de considérer les matériaux lors de la conception. Elle encourage les gouvernements à réglementer en cette matière et de prôner l’utilisation que de matériaux sécuritaires, c’est-à-dire qui n’impactent pas la santé humaine, qui se récupèrent et dont la gestion se fait facilement. Elle pose une question fondamentale aux entreprises présentes dans la salle et je vous la pose : Quel est votre impact sur les communautés? Comment pouvez vous améliorer cet impact jusqu’à l’éliminer?
Puis, je me suis dirigé vers une conférence sur la réparation, Forged for fixing : Crafting a repair culture, animée par l’entreprise IFixit pionnière dans ce domaine avec la création de nombreux guides destinés aux consommateurs pour qu’ils fassent eux-mêmes les réparations. L’entreprise Dell faisait également partie de ce panel pour discuter des efforts qu’elle fait en termes de réparabilité et pour nuancer le propos. Dell ne peut pas proposer un ordinateur complètement et facilement démontable car le consommateur recherche un ordinateur mince et léger. À leur avis, l’économie circulaire n’est pas facile à atteindre sans des partenaires et des réglementations.
C’est un bel exemple de la complexité de la démarche. Les entreprises doivent suivre les tendances et le rythme des consommateurs dans le but de leur offrir un produit qui répond à leurs attentes. Durant la discussion sur la réparabilité, il a également été question d’une nouvelle réglementation sur le droit à la réparation à l’échelle des États-Unis, comme la loi européenne. L’entreprise IFixit s’est associée à Google, Nokia, REI et d’autres afin de rédiger cette loi et créer un score de réparabilité. Pour en savoir plus >
Gestion plastique et passeport numérique
J’ai pu assister à une conférence sur la pollution plastique dont la prémisse était Pourquoi c’est si complexe de s’en sortir? Les discussions ont démarré autour de l’importance de travailler tout au long de la chaine de valeur pour avoir un impact positif et durable. Des infrastructures doivent être en place pour assurer la circularité des plastiques avant même qu’un produit ne soit lancé. Parallèlement, il serait nécessaire de réduire la diversité des plastiques pour en simplifier la gestion. Il y a également un effort de transparence qui doit être fait de la part des entreprises afin qu’elles s’engagent dans de meilleures pratiques. Google a proposé une piste qui est celle de présenter directement sur ses applications des façons de trouver facilement les lieux où jeter, recycler, réparer ou reconditionner nos produits. Il y a aussi les négociations du Global Plastics Treaty mis en place par l’ONU dans le but de mettre fin à cette pollution. Ils en sont à la troisième rencontre sur cinq. Ils ont présenté différents points de vue et souligné l’importance que toutes les entreprises, petites ou grandes, contribuent à cette cause. Pour plus de détails >
Enfin, une solution intéressante pour améliorer la logistique inverse et la gestion du plastique est de créer des passeports numériques qui permettraient la traçabilité de la matière. Le but est de connaitre la provenance et les entreprises impliquées dans l’extraction, la transformation et même le recyclage lorsqu’il s’agit de la deuxième vie de la matière. Ce type de système a également comme avantage de créer une banque d’informations partageable entre fournisseurs et entreprises, ce qui donne encore plus de transparence et de facilité lorsque vient le temps de concevoir un nouveau produit.
En conclusion, une note d’espoir…
L’évènement a permis de tisser des liens avec la communauté grandissante et engagée qu’est Circularity. Chaque jour nous avions droit à beaucoup de temps d’échange et de réseautage, ce qui m’a permis d’ouvrir mes horizons avec des jeunes, des chefs d’entreprises, etc. Et peu importe leur fonction, leur objectif est le même : réduire l’impact sur la planète.
Après cette deuxième journée enrichissante au cours de laquelle j’ai rencontré et discuter avec plusieurs personnes inspirantes et intéressantes, la soirée s’est poursuivie dans une salle de spectacle où nous avons eu droit à des concerts de piano, bref une expérience amusante qui m’a permis de connecter différemment avec les participants.
En termes d’initiatives d’économie circulaire, on peut dire qu’au Québec nous avons une longueur d’avance. Cependant, il ne faut rien tenir pour acquis. Les multinationales investissent massivement dans la transition actuellement et nous verrons bientôt les impacts sur les plus petites compagnies qui devront tenter de suivre le mouvement. Vous avez le pouvoir d’agir et il est temps de le faire!
Pour en savoir plus
Les initiatives circulaires au Québec
Rapport sur l’indice de circularité de l’économie du Québec
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Laurent Gauthier-Pelletier a joint les rangs de l’IDP en 2021 à titre de conseiller en innovation durable et responsable. Ce jeune designer de produits fait montre d’une grande polyvalence dans les champs de compétence que sont les processus de conception des produits, la recherche en design et le développement durable. Sa vision systémique des problèmes de design, sa capacité d’écoute et sa rigueur en font déjà un collaborateur efficace et apprécié. Il est le formateur du programme Écoconception : passez à l’action.
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