Par Nathalie Comeau, conseillère sénior en innovation et développement de produits
Pour conserver une longueur d’avance ou éviter d’être à la traîne, les entreprises se montrent de plus en plus ouvertes à de nouvelles formes de collaboration, à élargir leur éventail de partenaires. C’est ainsi que le concept de collaboration est devenu une valeur, un objectif, une compétence. Et les nombreux changements dans l’environnement d’affaires contribuent à la popularité de la collaboration en innovation. Qu’en est-il dans votre entreprise? Le tour de la question avec Nathalie Comeau.
Le contexte de la pandémie est unique. Les entreprises vivent de réels problèmes de chaine d’approvisionnement, de pénurie de main-d’œuvre et ressentent la forte pression exercée sur les coûts et la profitabilité. Plusieurs d’entre elles admettent devoir s’adapter toujours plus rapidement, dans un milieu compétitif et changeant. Bref, il faut faire plus avec moins!
La bonne nouvelle : l’innovation demeure un des moteurs de leur reprise et elles y mettent énergie et ressources. Cependant, plusieurs ont choisi d’innover différemment. Fini le temps où l’innovation se faisait exclusivement à l’interne par quelques individus ou départements. Pour accélérer l’innovation, la recherche de partenaires à l’externe avec qui établir de nouvelles collaborations est devenue un incontournable.
Diverses formes de collaboration
Que ce soit pour décrocher de nouveaux marchés, rechercher de nouvelles technologies, réduire les coûts, profiter d’expertises complémentaires, partager des ressources spécialisées ou sécuriser les approvisionnements, les entreprises s’ouvrent plus que jamais à de nouvelles formes de collaboration en développant des partenariats plus nombreux et diversifiés.
La collaboration est devenue une priorité absolue et ce, tant pour les petites entreprises que pour les plus grandes, tous secteurs confondus. À cet égard, une récente étude de l’IDP sur la mesure des facteurs de succès des entreprises actives en développement de produits démontre un pourcentage élevé d’entreprises ayant recours à la collaboration pour différents types de projets (cf. figure 1).
Figure 1 – Pourcentage de répondants ayant eu recours à la collaboration pour un ou plusieurs types de projet selon la taille de l’entreprise
N.B. : Le pourcentage représente le taux de répondants qui ont sélectionné cet énoncé. Parce que les réponses ne sont pas mutuellement exclusives, la somme des pourcentages pourrait être supérieure à 100 %.
Source : Mesure des facteurs de succès dans les entreprises actives en développement de produits; IDP et E&B Data, 13 avril 2021
Mais collaborer ne se fait pas de façon aussi spontanée qu’on voudrait le croire; cela exige plusieurs habiletés. Malheureusement encore aujourd’hui, plusieurs entreprises refusent cette voie par crainte de perdre le contrôle. Pour se protéger, elles vont préférer innover seules surtout si elles ont connu de mauvaises expériences par le passé. Elles craignent que leurs renseignements soient utilisés à mauvais escient, qu’on leur vole leurs idées ou même que l’existence de leur organisation soit menacée. Ce n’est pas facile pour une entreprise de s’ouvrir, de parler de sa vision stratégique et de projets confidentiels. La collaboration comporte effectivement des risques mais n’est-ce pas la nature même de l’innovation?
Pour une collaboration externe réussie
Chaque collaboration est particulière et il n’existe aucune formule préétablie. Comme la collaboration exige un certain effort, il importe que les collaborateurs puissent en retirer des avantages. De plus, des études démontrent l’existence d’étapes clés pour que la collaboration se traduise en résultats positifs. En voici trois :
• Définir son besoin
Les collaborations les plus fructueuses naissent du fait que les partenaires ont cerné un besoin commun. C’est l’étape où l’on définit clairement le projet de collaboration afin de solutionner un enjeu bien réel. Il s’agit de définir ce à quoi on souhaite parvenir dans notre processus d’innovation. Qu’avez-vous à perdre et qu’avez-vous à gagner? Il faut aussi que chacun y trouve des avantages et puisse en tirer profit.
Pensons aux 70 cabanes à sucre du Québec qui, à défaut de pouvoir accueillir leurs clients dans leur salle à manger durant la pandémie, ont collaboré pour lancer la plateforme de commandes en ligne Ma cabane à la maison afin d’offrir une expérience gourmande. Ce site a reçu plus d’un million de visites et plus de 40 000 commandes alors que la saison n’était pas encore terminée! Pour les propriétaires, l’enjeu était majeur : On perd tout ou on collabore et on innove!
La collaboration entre plusieurs microbrasseurs du Québec est un autre bel exemple. Malgré qu’ils soient concurrents, ils ont décidé de partager leurs équipements, trucs et savoir-faire pour développer de nouveaux produits dans le but d’augmenter la part de marché globale des microbrasseries au Québec. La « coopétition », nouveau phénomène de collaboration avec la compétition, est d’ailleurs très tendance. Par le partage d’actifs, d’expertises et de bonnes pratiques, elle constitue une force de frappe pour mieux innover.
• Choisir son partenaire
Le choix du bon partenaire avec qui collaborer est un élément clé. C’est certainement l’étape la plus importante de tout le processus de collaboration. Plusieurs options s’offrent à vous : clients, utilisateurs, compétiteurs, centres de recherche, universités, autres entreprises, fournisseurs, communautés scientifiques pour en nommer que quelques-unes.
La complémentarité des services, des expertises ou des produits est importante dans le choix du collaborateur mais la confiance est la base d’une collaboration réussie. Dans ce partenariat, il ne faut surtout pas négliger l’aspect humain, l’importance de partager les mêmes valeurs et une vision commune, sans toutefois négliger la richesse de la diversité. L’innovation survient lorsque des esprits dotés de perspectives différentes s’unissent et sortent de leur zone de confort!
Voici quelques exemples inspirants de collaboration. Mentionnons le partenariat entre l’École Bensadoun de commerce au détail (EBCD) de l’Université McGill et Alimentation Couche-Tard qui annonçait cette année l’ouverture d’un magasin-laboratoire unique. En combinant l’intelligence artificielle et la gestion du commerce au détail, ce laboratoire d’innovation permettra aux chercheurs de mettre au point des initiatives et technologies novatrices afin de répondre aux nombreux défis du commerce au détail, tout en améliorant l’expérience client.
Par ailleurs, St-Hubert et Cora, plus grande chaine de restauration rapide spécialisée dans les déjeuners au Canada, ont annoncé en septembre dernier un partenariat qui permettra à Cora de percer le marché des chaines alimentaires grâce à la force de distribution, de développement de produits et de mise en marché de St-Hubert. Un bel exemple de collaboration entre entreprises!
• Choisir le mode de collaboration
Le défi consiste également à sélectionner la meilleure option de collaboration, celle qui sera la plus appropriée à la stratégie de votre entreprise. De manière générale, cherchez-vous un mode de collaboration formelle ou informelle, coopérative ou compétitive? La figure 2 illustre ces quatre modes de collaboration qui comportent chacun leurs exigences.
C’est à cette étape que sera défini le cadre de la collaboration : modes de communication, participation financière des deux parties, partage des profits et de la propriété intellectuelle, signature d’accords ou d’engagements. Il faudra aussi s’entendre sur les informations à donner ou non et sur la place à accorder aux décisions prises en collaboration avec l’autre partie. Enfin, c’est à ce moment que des indicateurs de rendement seront déterminés pour mesurer les efforts de collaboration en lien avec les objectifs.
Il faut comprendre que peu importe le mode de collaboration, il y aura toujours des compromis à faire. Il est important de mettre en balance les avantages et les défis qui y sont associés par l’évaluation de vos capacités organisationnelles, la structure et les actifs nécessaires pour relever ces défis. En résumé, pour vivre une saine collaboration, il faut se structurer et préciser des règles afin de bien gérer les attentes, se protéger et réduire les risques de tensions inévitables.
Figure 2 –Modes de collaboration
Source : Dr. Lori Divito & Dr. Garima Sharma; Network for Business Sustainability, 2016
Collaborer, pas toujours facile, mais ça vaut la peine!
La collaboration dans un processus d’innovation est une décision d’affaires. Elle doit arriver au bon moment dans la vie de l’entreprise, selon les besoins et les enjeux. Les expertises nichées, les cultures et les normes de fonctionnement différents rendent inévitablement les efforts de collaboration complexes. Mais ils seront d’autant plus riches, plus innovants et plus précieux.
Plusieurs dirigeants et dirigeantes d’entreprise accordent une grande priorité à la collaboration et au développement de partenariats externes dans le cadre des stratégies globales de leur organisation. La collaboration est indispensable pour résoudre un enjeu ponctuel ou permettre aux entreprises d’acquérir de nouveaux marchés ou de participer à des projets de grande envergure.
Et pour ce faire, les entreprises ont tout avantage à développer les compétences de leurs employés afin que ceux-ci deviennent des leaders collaboratifs. Qu’est-ce qu’un leader collaboratif? Dans son livre The Tipping Point, Malcolm Gladwell faisait référence au terme connecteur pour décrire un leader collaboratif ou une personne ayant de nombreux liens avec différents univers sociaux. Ce sont des gens qui ont la capacité de mettre en relation des personnes, des idées et des ressources qui ne se rencontreraient pas normalement. Ce sont des facilitateurs essentiels de la collaboration ! Vous, en connaissez-vous dans votre organisation?
Forte d’une longue carrière chez Cascades, où elle a occupé plusieurs postes de direction en innovation, marketing et commercialisation, Nathalie Comeau est reconnue pour ses expertises en expérience client, écoconception et développement de produits. Cette leader passionnée se démarque par son esprit créatif, sa curiosité intellectuelle et son dynamisme. Nouvellement à l’IDP, Nathalie souhaite mettre à contribution son expertise et ses connaissances dans l’accompagnement des entreprises vers le succès.
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