Le monde du travail est en profonde mutation : délocalisation, automatisation, pénurie de main-d’œuvre, etc. Raison de plus pour prendre bien soin de ses employés. Le thème de la motivation au travail nous offre l’occasion de réfléchir sur ce qui nous nourrit. Entrevue avec Sylvain Rouillard, psychologue, animateur d’un atelier sur cette thématique.
Le thème de la motivation au travail nous offre l’occasion de réfléchir sur nos attentes, nos comportements, nos façons de travailler en équipe et, par conséquent, sur ce qui nous nourrit, nous fait carburer. Car on peut facilement « se brûler » au travail, ou tout simplement « perdre la flamme ». À la question suivante, que répondriez-vous : « Ma motivation au travail augmente, est stable ou diminue? »
Dans le cadre des activités du Réseau Innovation de l’IDP, un atelier a eu lieu le 4 octobre dernier, à Drummondville, proposant aux gestionnaires participants une démarche de réflexion sur les stratégies à prendre pour créer et maintenir un environnement fertile tant à leur propre épanouissement qu’à celui des membres de leurs équipes. Entrevue avec l’animateur de cet atelier, Sylvain Rouillard, psychologue, spécialiste en créativité et techniques d’innovation, pour mieux comprendre les rouages de la motivation.
Q. Quelle est votre approche dans cet atelier sur la motivation?
R. Spécifions que je m’adresse en général à des gestionnaires ou responsables d’équipe qui sont à la recherche de stratégies pour nourrir la motivation de leurs troupes. D’ailleurs la motivation, que je compare à un feu intérieur, a besoin d’être entretenue tout le temps. Ce n’est pas quelque chose que tu règles une fois pour toutes. Non, ça demande une certaine vigilance.
J’ai développé un modèle assez unique, basé à l’origine sur la créativité. Il y a certaines similitudes entre les facteurs qui favorisent la motivation et ceux qui stimulent notre créativité. Le modèle duquel je m’inspire, élaboré par mon collègue psychologue René Bernèche, regroupe cinq facteurs motivationnels. Je prends appui sur trois d’entre eux pour regrouper des notions théoriques dans un premier temps puis, à l’aide d’exemples, je leur expose différentes stratégies pour stimuler ces facteurs.
Je veux que les participants s’approprient leur propre conception de la motivation. Pour ce faire, je leur propose différents exercices qui les amènent à réfléchir individuellement et en petit groupe dans le but de trouver des réponses par eux-mêmes. Les gens ont des solutions; ils ont déjà fait des choses et je les amène à échanger là-dessus. L’objectif visé : repartir à la fin de la journée avec des pistes d’action pour eux-mêmes et pour leurs équipes.
Q. La motivation, à quoi ça tient principalement?
R. Une image que j’aime bien utiliser est celle du feu intérieur qu’il faut nourrir. J’ai choisi d’aborder la motivation en mettant l’accent sur les dimensions qui alimentent notre énergie au travail, qui entretiennent la flamme. Voici, dans les grandes lignes, trois leviers qui ont une incidence directe sur la mobilisation des employés au travail.
Le sentiment d’appartenance
Que ce soit dans un petit groupe ou dans une grande organisation, les gens sont motivés lorsqu’ils sentent qu’ils ont leur place et que l’on reconnaît leur caractère distinctif, leur contribution spécifique. Pas besoin d’être comme les autres pour faire partie d’une équipe.
Le gestionnaire qui reconnaît et valorise les différences aide les gens à développer ce qu’ils ont d’unique en eux; ça c’est un puissant levier. Il faut viser un juste équilibre entre l’autonomie des personnes (« je suis capable ») et leur interdépendance (« j’ai besoin de mes collègues ») pour favoriser la pleine collaboration dans les équipes.
Créer un espace où les gens peuvent être ce qu’ils sont et développer leur unicité. Cela implique de les former, de leur donner des mandats réalistes, de supporter leur créativité et leurs façons de faire. La mise en place de différentes pratiques de reconnaissance favorise l’autonomie, le dépassement de soi et le mieux-être au travail des employés.
Les forces émotives affectives
Ce levier réfère à un ensemble de facteurs tout aussi fondamentaux que le sentiment d’appartenance et la reconnaissance. Ce sont nos attentes, le sens que nous donnons à notre travail, le sentiment d’avoir de l’impact, de travailler en accord avec nos valeurs, le plaisir et la gratification que nous en retirons. On pourrait résumer ce groupe de facteurs à l’équation suivante : « Ce que je mets dans mon travail versus ce que j’en retire ».
On parle beaucoup d’épuisement professionnel, de burnout lié au travail. Mais très souvent, cet épuisement est le résultat d’une perte de sens pour la personne à l’égard de son travail, davantage qu’une surcharge de tâches. Comme gestionnaire, c’est important de pouvoir nourrir la quête de sens des employés à l’égard de leur travail, de leur rappeler l’utilité et l’importance de leur contribution.
Il arrive que des gens aient des attentes démesurées par rapport à leur travail, qu’ils soient en deuil d’un certain idéal ou bien que le sens qu’ils accordaient à leur travail se soit effrité, pour une raison ou pour une autre. Aussi, est-il bon de se poser la question de temps en temps : Qu’est-ce qui me fait « triper » au travail?
Le moi-environnement
Le dernier groupe de facteurs qui ont un impact sur la motivation est lié à ma responsabilité, comme individu, de me créer une vie riche et satisfaisante. Ainsi, pour nourrir ma motivation et maintenir mon énergie, il est important de cultiver différents centres d’intérêt, de diversifier mes activités. J’ai la responsabilité de me développer et de trouver un équilibre entre travail et vie personnelle.
Bien sûr, on ne peut s’attendre à ce que l’entreprise comble tous nos besoins. Mais si celle-ci reconnait que ses travailleurs ont différents intérêts dans leur vie, que ce sont des personnes à part entière, et qu’elle les supporte par la mise en place de conditions facilitantes (horaires, défis, causes, aménagement de l’espace), ça augmente la motivation à travailler pour cet employeur.
Aussi, le gestionnaire a-t-il la responsabilité de favoriser la croissance et le développement de ses employés, que ce soit par un plan de formation adapté à chacun, l’essai de nouvelles responsabilités sans pénalité si ça ne convient pas, l’enrichissement des tâches, etc.
Q. Quels sont les bénéfices à retirer de cet atelier?
R. À la fin, les participants repartent avec des plans d’action pour chacun des leviers motivationnels, tant pour eux-mêmes que pour les membres de leurs équipes. Ils ont pu échanger avec d’autres gestionnaires sur des pratiques de gestion déjà mises en place, échanger des trucs et en découvrir de nouveaux.
Comme gestionnaires, ils ont les moyens d’intervenir sur la motivation de leurs employés qui, elle, va avoir une incidence directe sur leur performance et leur bien-être au travail. Il s’agit de trouver sa zone de pouvoir. La motivation c’est un processus continu. Il faut être attentif, savoir décoder les gens et l’environnement. La mobilisation des employés, tout le monde en profite!
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Sylvain Rouillard est psychologue, spécialiste en créativité. Il conçoit et anime depuis 25 ans des conférences et ateliers sur les thèmes de la créativité et des méthodes de recherche d’idées et de résolution de problèmes. Il enseigne actuellement les fondements de la créativité et les méthodes associées à la résolution créative des défis et à l’innovation au Certificat en créativité et innovation de l’Université de Montréal. Pendant plus de 15 ans, il a enseigné la psychologie de la créativité et les méthodes créatives de résolution de problèmes dans diverses universités.
Il est président de Créa-Québec, l’association québécoise pour le développement de la créativité. Son expertise en créativité et en pédagogie s’allie à une expérience sur le terrain. En effet, il anime aussi des démarches « découverte de solutions innovatrices » dans des entreprises et des organismes du secteur public. Ses activités de consultation et de formation l’ont amené partout au Québec, aux Etats-Unis, au Mexique, en Italie, en France, en Inde, etc.
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