La transition numérique ou révolution 4.0 est déjà bien à l’œuvre dans les entreprises et en développement de produits. Voici l’aventure incroyable d’une startup montréalaise qui a mis au point le dispositif Bluetooth SmartHalo. Témoignage de Gabriel Alberola, cofondateur de l’entreprise avec Xavier Peich et Olivier Bourbonnais.
Que l’on songe uniquement à la façon dont nos produits sont conçus, fabriqués et même utilisés aujourd’hui, l’arrivée du numérique bouleverse déjà notre rapport aux objets. Lors du dernier Sommet de l’IDP, en avril dernier, la tenue d’une table ronde sur « le virage numérique des produits » a été l’occasion pour les entreprises présentes de réfléchir aux défis et impacts de cette « révolution » en développement de produits.
Trois entrepreneurs* du domaine des nouvelles technologies numériques sont venus partager leur expérience avec les participants à ce Sommet. Il s’agit de Charles Brunelle, v.-p. Logiciel de ARA Robotique, François Labrie, co-fondateur de Ai Outcome et Gabriel Alberola, cofondateur de Smarthalo. Le dénominateur commun à ces entreprises : l’utilisation de données et leur valeur dans les produits/services qu’elles ont mis au point.
Nous vous présentons dans cet article le parcours peu banal de SmartHalo qui illustre bien les enjeux que représente l’innovation dans le domaine des objets connectés et les défis d’une startup pour devenir une entreprise. L’histoire de SmartHalo nous a été racontée par Gabriel Alberola, cofondateur et directeur de l’expérience usager.
Le produit SmartHalo
SmartHalo est un dispositif qui s’installe sur n’importe quel guidon de vélo et se connecte à un téléphone intelligent. En fait, il s’agit d’une plateforme pour cyclistes urbains qui offre les fonctions de navigation GPS, d’odomètre, de phare, d’antivol et de notification des appels. Contrairement à d’autres accessoires, le SmartHalo demeure sur le vélo avec un système d’attaches antivol. Il est livré avec une clé unique.
Ce système a été conçu au départ pour remplacer le cellulaire que le cycliste utilise comme GPS et qu’il tient dans une main en roulant ou l’oblige à s’arrêter au coin de la rue. Dans les deux cas, cette manœuvre est source de distraction et peut facilement causer des accidents. L’application téléchargée sur un téléphone intelligent calcule des trajets optimisés et indique le chemin à prendre virage par virage grâce à un halo de lumière sur le dispositif.
En outre, l’appareil connecté compile différentes statistiques découlant de l’usage du vélo par son propriétaire : bilan des kilomètres parcourus, temps passé sur son vélo et vitesse moyenne, calories dépensées et CO2 économisé.
Vendu au prix de 199 $, le dispositif SmartHalo a été adopté à ce jour par plus de 15 000 cyclistes dans 72 pays.
Du prototype… au produit fini!
C’est lors d’un voyage à Philadelphie, en 2014, que les cofondateurs ont eu l’idée de se lancer en affaires. « On s’est demandé ce qu’on aimait faire dans la vie. Nous avons constaté notre passion pour le vélo. À partir de là, on a réfléchi aux problèmes rencontrés comme cyclistes. Puis l’idée nous est venue assez naturellement. »
Malgré la croissance de la pratique du vélo dans les villes, les cofondateurs réalisent rapidement qu’il y a peu d’innovation de produit pour les vélos urbains, comparativement à ce qui se fait pour le cyclisme de haute performance.
Plus ils exploraient ce marché, plus ils se rendaient compte des opportunités. Dans leurs séances de remue-méninges, ils avaient identifié deux problématiques : la difficulté de trouver un itinéraire efficace et les nombreux vols de vélo, en ville. « Il n’existe aucune interface qui permet de circuler en ville plus facilement et de façon prudente. »
En 2015, à l’aide d’un prototype et d’une vidéo, les associés lancent leur idée sur Kickstarter, site de sociofinancement bien connu. Le principe est simple : vendre en avance le concept de produit à des amateurs et lancer la production avec l’argent obtenu. Surprise : en 30 jours seulement, ils vendent 3000 unités et récoltent 500 000 $; un réel tour de force!
« De nos jours, grâce à l’impression 3D, on peut prototyper rapidement. De plus, la plateforme Kickstarter nous permettait de valider notre idée. Etant donné que nous sommes les clients types du produit, c’est facile de rajouter des fonctions que l’on juge désirables. »
Le grand défi : devenir une compagnie!
Comblés par ce beau succès, les cofondateurs doivent rapidement faire face à la réalité : « Faire un prototype, c’est relativement facile. Faire un produit qui peut être répliqué à des dizaines de milliers d’exemplaires, c’est beaucoup plus difficile! »
En se remémorant cette période de la startup, Gabriel nous confie les leçons apprises. « On est parti de notre intuition et on est bien tombé. Mais si c’était à refaire, on s’y prendrait différemment. Notre prototype était relativement fonctionnel mais pas complètement. Ça nous a pris un an à développer toutes les fonctions. On avait fait des promesses et on ne pouvait livrer; c’était assez stressant. »
Et ils y sont arrivés! En 18 mois, les entrepreneurs ont bâti une équipe, trouvé des fournisseurs, créé leur plateforme numérique et lancé la fabrication. « En un an, nous sommes passés de quatre « chums » qui tripent autour d’un café, à 16 personnes! » A travers différents défis de production et de commercialisation, il leur a fallu apprendre à structurer le travail de tous ces gens et à coordonner leurs efforts dans la même direction, ce qui ne s’est pas fait sans friction ni tension.
« Assez rapidement, on a créé un poste de gestionnaire de produit pour prendre en charge l’évolution du SmartHalo selon une vision qui concilie besoins du client et « nice to have ». À l’automne 2017, SmartHalo fait son entrée dans 350 Apple Store, en Amérique du Nord et en Europe ainsi que sur Amazon ; « du jour au lendemain, ça nous a donné une belle crédibilité. »
L’avenir du produit passe par sa dématérialisation
Ultimement, la startup souhaite récolter des données anonymes, provenant des usagers du SmartHalo, pour aider les décideurs publics à prendre les meilleures décisions quant aux infrastructures cyclistes. Du même coup, l’entreprise vise à encourager la pratique du vélo et contribuer ainsi à la rendre plus sécuritaire en ville.
« On a un produit pour les consommateurs et, à terme, on veut améliorer la vie des cyclistes. Si on en vend beaucoup, on peut devenir un acteur dans les transformations des villes pour guider le design urbain. On peut cerner les problèmes là où les gens passent. C’est une grosse composante du produit. On ne veut pas utiliser les données pour faire du marketing, mais pour améliorer les villes. »
Dans cette optique, les données constituent la valeur ajoutée du SmartHalo. Gabriel Alberola affirme en conclusion : « La partie numérique du produit va devenir centrale. À long terme, l’algorithme de navigation va être riche d’informations. On veut être maître de notre software. »
Rendre les villes plus cyclistes, plus vertes et plus humaines! C’est ce qui anime l’équipe de SmartHalo.
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*Charles Brunelle, v.-p. Logiciel de ARA Robotique a développé une technologie numérique pour faciliter la captation de données par des drones utilisés à différentes fins. François Labrie, cofondateur de Ai Outcome concentre ses activités sur l’utilisation de données à des fins d’intelligence d’affaires.
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