par Bertrand Derome, B.D.I., ADIQ, directeur général de l’IDP
Difficile de rester sourd suite à la couverture médiatique accordée ces derniers temps à l’enjeu environnemental que représente la gestion des plastiques sur la planète. Comme citoyen ou entreprise, nous sommes tous interpellés. L’IDP a voulu faire le point sur le recyclage des plastiques au Québec, en s’appuyant sur les résultats de la collecte sélective compilés par Recyc-Québec.
Symbole de modernité dans les années 1950, le plastique constitue une remarquable découverte de la chimie du pétrole. Paradoxalement, les caractéristiques qui ont rendu le plastique attrayant en ont également fait un fléau pour l’environnement. Les images saisissantes de tonnes de plastique dans les océans ont frappé l’imaginaire collectif et fait progresser la prise de conscience sur les méfaits de notre surconsommation.
Nous voyons depuis peu des gestes concrets de la volonté de se débarrasser du plastique : l’élimination des sacs à usage unique dans le commerce de détail, l’abandon de la distribution de pailles en plastique par des chaines de restaurant, l’engagement de certaines organisations publiques, dont le fédéral, à éliminer tout le plastique à usage unique dans leurs opérations. Comment parviendrons-nous à juguler le problème des déchets plastiques? Jetons un regard sur la situation ici au Québec.
Le recyclage des plastiques, un problème multifactoriel
Selon les plus récentes données de Recyc-Québec, 54 % de ce qui se retrouve dans les bacs de récupération des citoyens est recyclé par les centres de tri québécois. On ne réussit pas encore à atteindre l’objectif fixé dans son Plan d’action 2011-2015, soit de recycler 70 % du papier, carton, plastique, verre et métal résiduels contenus dans les bacs.
Et c’est à peine 18 % du plastique recyclable déposé dans les bacs résidentiels en 2015 qui avait effectivement été acheminé à des recycleurs. Pourtant le plastique est au deuxième rang des matières les plus présentes dans les bacs de recyclage, derrière les papiers et cartons, mais devant le verre et le métal, respectivement.
Pourquoi peine-t-on à recycler si peu des plastiques que nous citoyens mettons dans notre bac de récupération? Si on remonte la chaine de valeur des produits plastiques, on peut mieux comprendre les écueils qui apparaissent aux différentes étapes :
- La conception et production de produits faits à partir de résines vierges et dont on ne tient peu ou pas compte de leur fin de vie;
- L’absence de cadre réglementaire qui oblige les fabricants à une teneur en contenu recyclé dans leurs nouveaux produits plastiques;
- La sensibilisation des citoyens à différencier les plastiques recyclables de ceux qui ne le sont pas, même si c’est parfois très difficile de s’y retrouver;
- La grande diversité des emballages et de leur composition qui occasionnent des difficultés d’identification et de tri des matières;
- L’existence de plusieurs types de polymères distincts (comme l’indiquent les symboles de 1 à 7 sur les produits) et qui nécessitent des traitements appropriés à chacun;
- La difficulté de certains centres de tri à récupérer ce qui peut l’être en raison d’un manque d’équipement performant (tri manuel versus technologies de tri optique);
- La difficulté d’assurer la qualité des extrants : le problème de la contamination des matières les rendant impropres au recyclage;
- Les recycleurs ou valorisateurs aux prises avec des taux élevés de rejet pour certaines catégories de plastique à cause de la contamination et qui doivent en assumer les coûts;
- L’absence de débouchés de marché pour certaines catégories de plastique (faible quantité récupérée, coûts élevés de traitement, absence de rentabilité).
On note que les problèmes de récupération et de recyclage des matières plastiques sont non seulement d’ordre technique, mais également politique et sociétal. À titre d’exemple, certains pays importateurs de matières plastiques usagées, particulièrement la Chine, ont récemment décidé de resserrer les normes de qualité pour l’achat des ballots de matières triées, ce qui a réduit la demande déjà marginale pour les produits plastiques en fin de vie. Au Québec, cela a provoqué une crise dans certains centres de tri qui n’ont pas les équipements nécessaires pour assurer cette qualité.
Catégories de plastique recyclé
De manière générale, la plupart des contenants en plastique peuvent être recyclés mais il importe de savoir à quelle sorte de plastique nous avons affaire. Ainsi, même si le logo (cercle de Möbius) figurant sur l’emballage indique que le produit est recyclable, cela ne veut pas dire qu’il sera recyclé. Ce symbole et le chiffre qui l’accompagne indiquent la nature du plastique dont est constitué le contenant ou l’emballage.
1 – PET (Polytéréphtalate d’éthylène)
2 – HDPE (Polyéthylène haute densité)
3 – PVC (Polychlorure de vinyle)
4 – LPDE (Polyéthylène basse densité)
5 – PP (Polypropylène)
6 – PS (Polystyrène) expansé et non expansé
7 – O (Autres plastiques non PLA)
Selon la Charte des matières recyclables élaborée par Recyc-Québec, les produits de plastique suivants sont recyclables et acceptés par la majorité des 26 centres de tri du Québec : bouteilles, contenants et emballages de produits alimentaires, de boissons, de cosmétiques, de produits d’hygiène personnelle et d’entretien ménager identifiés par un de ces symboles (#1 à 7); bouchons et couvercles; sacs et pellicules d’emballage. C’est près d’un million de tonnes de matières qui est traité annuellement.
Le recyclage des plastiques se traduit par l’obtention de résines recyclées. Les caractéristiques suivantes vont déterminer la valeur du produit sur le marché : disponibilité du produit (tonnage) et existence d’un marché; régularité de l’approvisionnement; qualité (homogénéité et faible taux de contamination); coût de traitement, etc.
Si en théorie presque tous les plastiques sont recyclables, en pratique ce sont les deux premières catégories #1 et #2 (PET et HDPE) sur lesquelles portent le plus les efforts de collecte, de tri et de recyclage. À partir de fiches d’information sur les produits de la collecte sélective, réalisées par Recyc-Québec, le tableau suivant présente les cinq catégories de plastiques triées et mises en ballots par nos centres de tri, pour être envoyées aux conditionneurs, recycleurs, courtiers du Québec ou d’ailleurs.
Tonnage et taux de récupération de matières plastiques
en provenance du secteur résidentiel au Québec
Le plastique PET (#1) se recycle à 100 % et, en principe, il ne perd pas ses caractéristiques fondamentales; il peut donc être réutilisé plusieurs fois. Souvent employé pour la production de bouteilles d’eau ou de boissons gazeuses, il exige toutefois une extrême pureté de la matière collectée. Au Québec, la filière de récupération et de recyclage des contenants et emballages de PET est bien établie. Aux États-Unis, une règlementation imposant un pourcentage de contenu recyclé dans la fabrication de ce type de bouteilles pourrait voir le jour. Cela aurait pour effet de dynamiser le marché de l’exportation du PET recyclé provenant du Québec.
Le plastique HDPE (#2) est opaque, résistant aux chocs, imperméable à l’eau, à certains produits chimiques, au gaz et aux arômes. Principalement utilisée dans les secteurs de l’alimentation, du médical et de la chimie, la résine de plastique HDPE postconsommation est la plus convoitée par les recycleurs. Elle génère des revenus plus élevés que les autres résines. D’ailleurs, le HDPE fait partie des six principales résines qui comptent pour plus de 90 % de la production totale des emballages domestiques. En raison de ses caractéristiques et de sa disponibilité, il existe de nombreux débouchés et son prix de vente demeure généralement élevé.
Les catégories « plastiques mixtes » et « sacs et pellicules » regroupent des contenants, emballages et pellicules de codes variés. Les faibles quantités et qualité de ces deux catégories ne favoriseraient pas facilement le développement de débouchés. Quant au polystyrène (PS) #6, cette matière ne fait pas encore partie de la Charte des matières acceptées par les centres de tri du Québec.
Le polystyrène, un cas à part?
Il existe trois types de polystyrène : le polystyrène expansé (verres à café, emballage d’équipement), le polystyrène extrudé (barquettes pour la viande et le poisson, plats pour emporter) et le polystyrène rigide (pots de yogourt individuels). Bien qu’il soit recyclable à
100 %, le problème du polystyrène, c’est son poids ultra léger. Ce matériau prend beaucoup d’espace pour ce qu’il peut rapporter.
Au Québec, le PS déposé dans la collecte sélective ne fait pas encore l’objet d’un tri spécifique par l’ensemble des centres de tri. C’est pourquoi on le retrouve la plupart du temps dans les ballots de plastiques mélangés ou dans les rejets des centres de tri. Il faut dire que, jusqu’à maintenant, les obstacles à son recyclage étaient nombreux : faible quantité disponible, haut degré de contamination, coût de traitement élevé, peu ou pas de stabilité dans les marchés.
Mais cette situation est en train de changer car des technologies novatrices voient peu à peu le jour pour conditionner et recycler le polystyrène. Elles permettent de compresser et de densifier ce matériau, réduisant par le fait même les coûts de transport.
A cet égard, Polystyvert, établie dans l’est de Montréal, a inauguré récemment la toute première usine de démonstration de recyclage par dissolution de polystyrène au monde. Polytstyvert réussit à transformer l’intégralité du produit initial de polystyrène en pastilles réutilisables grâce à un procédé par dissolution dans une huile essentielle. Le produit est ensuite séparé du liquide afin d’être purifié et récupéré. Au terme du procédé de recyclage, on obtient une résine de polystyrène recyclée d’excellente qualité, avec des propriétés similaires au polystyrène neuf, pouvant être utilisée pour fabriquer à nouveau des produits en polystyrène. L’usine de démonstration de Polystyvert pourra recycler jusqu’à 600 tonnes de polystyrène par année.
Autre exemple, l’entreprise Polyform, un fabricant de produits en polystyrène de Granby, recycle ses propres résidus et ceux de ses clients depuis 2006, mais également la matière accumulée par les citoyens. L’entreprise récupère le polystyrène issu de plusieurs écocentres de Montréal et de l’Estrie, le transforme en granules et le réutilise pour fabriquer notamment du coffrage isolant pour les maisons ou des blocs d’emballage.
Tout indique qu’il est non seulement souhaitable mais surtout possible de valoriser le polystyrène postconsommation en l’intégrant dans la collecte sélective partout au Québec. D’ailleurs, Recyc-Québec, concluait dans un guide technique sur le polystyrène que l’industrie du recyclage pourrait avantageusement profiter des avancées technologiques et des initiatives récentes dans le domaine.
Comment améliorer notre performance?
Nous connaissons plusieurs solutions permettant de réduire, voire de mettre fin à la crise du plastique. D’une part, on doit encourager le développement de produits de qualité, questionner la pertinence de produits à usage unique, identifier les alternatives à mettre de l’avant pour répondre aux besoins et demandes du marché. Et d’autre part, on doit mettre fin au cercle vicieux dans lequel on se retrouve trop facilement : la faible valeur de certaines catégories de matières recyclées qui limite les investissements nécessaires à l’amélioration de la qualité du tri.
En stimulant la demande pour les matières recyclées, par divers incitatifs ou règlementation, on encouragera tous les acteurs de gestion de la fin de vie des produits à fournir des matériaux de plus grande valeur et, dès lors, plus faciles à intégrer dans la production.
Dans un prochain article, nous explorerons les bénéfices et les inconvénients des bioplastiques, ces matériaux encore relativement nouveaux sur le marché mais qui devraient connaitre une augmentation très importante de la demande au cours des prochaines années. À suivre.
Sources :
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