Par Nathalie Comeau, conseillère sénior en innovation et développement de produits à l’IDP
En matière de transformation numérique, les entreprises B2B peuvent-elles s’inspirer des bonnes pratiques mises en place par les entreprises B2C? Absolument, répond Nicolas Gaudreau, spécialiste du numérique dans des entreprises B2C depuis plus de 20 ans. Cet ingénieur, vice-président marketing et homme d’affaires nous livre dans cette entrevue quelques principes de base pour s’engager dans une transformation numérique. D’une manière simple et concrète qui donne le goût de se lancer dans l’action.
La transformation numérique va bien au-delà de la simple numérisation d’activités et de processus de l’entreprise, comme l’automatisation de l’usine, l’optimisation de la logistique, l’internet des objets, etc. Elle n’est pas non plus réservée qu’aux entreprises qui fabriquent des produits de consommation (B2C). Alors que les premières transitions numériques visaient à améliorer l’efficacité de production, les plus récentes sont davantage orientées vers l’amélioration de l’expérience client/acheteur. Elles s’opèrent également dans les interactions avec les partenaires et les fournisseurs de l’entreprise.
Les entreprises qui ont comme clients d’autres entreprises (B2B) doivent donc, elles aussi, développer une vision de la transformation numérique et initier les changements qui auront des répercussions tant à l’interne qu’à l’externe. Comment aborder cette transformation? Nous avons demandé à Nicolas Gaudreau, vice-président marketing chez SAIL Plein Air inc. et spécialiste du numérique dans des entreprises B2C, de partager avec nous quelques pistes de réflexion pouvant s’appliquer aux entreprises B2B.
IDP – Quels sont les enjeux de la transformation numérique pour une entreprise?
N.G. – N’oublions pas que le but premier de toute entreprise, c’est de rajouter de la valeur rapidement. Pour cela, il faut se rapprocher du client le plus possible. Si le client voit une différence positive en faisant affaire avec nous et que les ventes augmentent, la valeur créée devient évidente pour tout le monde. C’est pourquoi il est si important pour les entreprises de s’adapter à de nouvelles façons de faire.
Le fil conducteur en transformation numérique, c’est le client. Celui-ci évolue à grande vitesse si l’on en juge les moyens qu’il utilise pour s’informer, magasiner et acheter. Pour conserver un niveau de compétitivité dans le marché, la transformation numérique s’impose pour suivre cette évolution du client et répondre à ses attentes.
L’utilisation du web pour générer des prospects de vente est un bel exemple. Il y a une réduction des coûts et une augmentation de l’efficacité de l’équipe de vente, et des revenus finalement. Cela peut définitivement constituer un avantage compétitif. De plus, les outils du numérique génèrent de l’information en temps réel beaucoup plus fiable.
IDP – Quelle est votre définition de la transformation numérique?
N.G. – Essentiellement, il s’agit de s’adapter aux besoins des clients en utilisant les nouvelles possibilités qu’offre l’internet. Pour toutes les entreprises, c’est la transformation massive et accélérée des attentes clients qui motive ce besoin urgent de transformation. En bout de ligne, l’utilisation de données et de technologies permet de prendre des décisions éclairées plus rapidement et de mieux répondre aux attentes des clients en proposant de nouvelles expériences client.
IDP – Selon vous, la gestion du changement est la composante principale de la transformation numérique. Expliquez-nous
N.G. – La gestion du changement est clé et cet aspect de la transformation numérique est bien documenté. La plupart des transformations qui ont échoué est due à une mauvaise gestion du changement.
Je dis souvent qu’innover c’est relativement facile. Ce qui est plus difficile, c’est de transformer l’existant. Les gens doivent absolument participer au changement. C’est l’élément clé tant pour les entreprises B2B que B2C.
Car dès qu’il s’agit de transformation à quelque niveau que ce soit, il y a des gens qui vont devoir faire les choses différemment. Et si ces personnes ne veulent pas changer, rien ne va se produire. Donc, la gestion de changement est vraiment clé. Amener les gens à modifier leurs façons de faire, ce n’est pas facile.
IDP – Tout cela suppose une bonne communication à l’interne, non?
N.G. – Ça nous ramène à la vision. Il faut une vision claire pour que les gens sachent où on s’en va. Puis, une vraie écoute et de l’empathie. C’est important de prendre le pouls des employés, vérifier ce qu’ils ont compris de la vision, voir les implications dans leur vie personnelle, connaitre leurs peurs et leurs ambitions. Il faut les accompagner et les aider dans cette transformation-là.
Autre élément important : un plan d’action avec des objectifs à court terme qui permettent d’obtenir des gains rapides (2, 3, 4 mois). L’obtention de petits succès maintient l’engagement et la confiance des gens, confirme la direction. Ce sont des conditions gagnantes dans la gestion du changement.
À la base, c’est d’être capable de formuler une stratégie d’affaires excitante que les employés vont acheter et être fiers de bâtir. Si la vision est inspirante, c’est motivant pour tout le monde.
Si tu arrives à rallier les gens à la fierté de bâtir une compagnie forte avec une nouvelle vision et que tu prouves que cette nouvelle vision est efficace, alors tu pars gagnant. Il faut que ce soit inspirant. Il n’y a personne qui veut travailler pour une entreprise qui va perdre.
IDP – Qui doit porter le ballon de la transformation numérique dans l’entreprise?
N.G. – Je crois que ce n’est pas la responsabilité d’une seule personne. C’est toute l’équipe de direction qui doit être impliquée et engagée, et qui va soutenir le changement de culture. L’erreur souvent commise, c’est de mettre cette responsabilité dans les mains d’une seule personne. Il faut à tout prix une cohésion des membres de l’équipe de direction. C’est tellement facile de dire « ce n’est pas mon projet » lorsqu’un obstacle surgira.
IDP – Quelles sont les bonnes pratiques du B2C que vous recommanderiez aux entreprises en B2B?
N.G. – Les acheteurs B2B sont exposés dans leur vie personnelle de consommateurs à de nouvelles expériences (B2C). On appelle cela « l’ubérisation des attentes ». Aussi, ils auront tendance à les transposer et à s’attendre à en vivre dans leur rôle d’acheteur. Voici quelques bonnes pratiques possiblement applicables en B2B :
La génération de pistes de vente (prospects). La présence de l’entreprise dans des blogs, réseaux sociaux ou sur le web est une bonne façon de générer de l’intérêt. Cela permet à l’équipe de vente de concentrer ses efforts auprès des clients préqualifiés.
Modifier le mix média. Revoir le mix média pour y intégrer des médias numériques et faire de la publicité entre autres sur Google.
Des recommandations personnalisées. Les consommateurs sont maintenant habitués à des recommandations ciblées du type « Vous pourriez aussi aimer ». La même chose peut s’appliquer en B2B, même pour un catalogue de produits un peu complexe.
Un traitement différencié. En B2C, les bons clients aiment bénéficier d’un statut différencié du style VIP, être reconnus comme bons acheteurs. Cette appréciation de la clientèle est aussi importante en B2B.
L’accès multicanal. Il y a une grande ouverture des canaux de communication en B2C : téléphone, courriels, chat en direct, médias sociaux. Plus l’entreprise est accessible à ses clients à travers différents canaux, plus ceux-ci vont se sentir proches. Ouvrir plus de canaux de communication en B2B pourrait s’avérer une bonne chose.
La qualité d’exécution de la commande. En B2C, le client évalue l’entreprise par l’expérience de livraison, sa rapidité, le bon état de l’emballage, l’excitation à ouvrir le colis. Lorsque c’est pertinent, les entreprises B2B devraient accorder de l’importance à l’expérience après-vente.
IDP – En résumé, qu’est-ce ça prend pour réussir sa transformation numérique?
N.G. – D’abord, pour que ça fonctionne, il faut être proche des clients et s’attaquer aux vrais problèmes. En second lieu, il est absolument nécessaire que le data soit au cœur de toutes les décisions. Le data sert de phare pour naviguer dans cette transformation. L’autre élément important, c’est l’adoption de méthodes agiles, de cycles de développement et de mise en marché plus courts que ceux auxquels l’entreprise est habituée dans le but de connaitre plus rapidement une suite de succès.
Enfin, il faut se tenir loin des nouvelles tendances; la transformation numérique est déjà assez complexe. Si en plus on utilise de nouvelles approches trop innovantes et qui n’ont pas fait leurs preuves, c’est ajouter beaucoup de risques dans l’aventure. Il faut s’appliquer à bâtir une construction stable.
Il n’y a pas de vérité hors de l’action. C’est seulement dans l’action qu’on apprend. Ce que j’aime dans cette opération de transformation numérique, c’est le caractère multidisciplinaire. Pour gagner, il faut voir ce projet de transformation sous trois angles : technologique, créatif et humain. Quand tu réussis à combiner ces trois éléments en un tout, tu es capable de faire des choses étonnantes. C’est ce qui me passionne!
Nicolas Gaudreau est un spécialiste de la première heure en matière de transformation numérique. Au cours des 20 dernières années, il a occupé différents postes tels que directeur et vice-président marketing ainsi que vice-président du numérique pour de grandes entreprises. Il est actuellement vice-président marketing chez SAIL Plein Air, principal détaillant de produits de cette catégorie au Canada. Conférencier recherché, Nicolas est ingénieur, administrateur certifié et détient un MBA de l’INSEAD.
Forte d’une longue carrière chez Cascades, où elle a occupé plusieurs postes de direction en innovation, marketing et commercialisation, Nathalie Comeau est reconnue pour ses expertises en expérience client, écoconception et développement de produits. Cette leader passionnée se démarque par son esprit créatif, sa curiosité intellectuelle et son dynamisme. Nouvellement à l’IDP, Nathalie souhaite mettre à contribution son expertise et ses connaissances dans l’accompagnement des entreprises vers le succès.
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