Par Laurent Gauthier-Pelletier, chargé de projets en développement de produits et développement durable à l’IDP
On le sait, le parc immobilier des écoles publiques primaires et secondaires est vieillissant et peu adapté aux nouvelles réalités qu’elles soient sociales, pédagogiques ou écologiques. Car, les besoins des usagers du système scolaire ont bien évolué depuis la Révolution tranquille. Quels en sont les impacts sur l’aménagement des classes et la conception du mobilier scolaire? C’est ce à quoi s’est intéressé notre collègue Laurent Gauthier-Pelletier dans son projet de mémoire pour l’obtention d’une maitrise en design. Un monde pour le moins complexe…
Pour appuyer les écoles et les centres de services scolaires du Québec, l’Université Laval lançait en 2018 un vaste projet de recherche-action, appelé SCHOLA, visant à soutenir la rénovation et la modernisation des établissements d’enseignement primaires et secondaires existants. Ce projet poursuit l’objectif de bâtir une plateforme en ligne d’outils d’aide à la décision pour accompagner les intervenants impliqués dans le processus de rénovation des écoles publiques.
Initiée par la Faculté d’aménagement, d’architecture, d’art et de design de l’Université Laval avec l’appui financier du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES), la plateforme Schola prône une approche transdisciplinaire pour répondre aux préoccupations des différents usagers du milieu scolaire. Schola vise non seulement la rénovation des écoles, mais aussi les fonctions et l’organisation des locaux ainsi que le choix du mobilier scolaire.
En tant que candidat à la maîtrise en design, c’est dans ce contexte que s’inscrit mon projet de mémoire. Essentiellement, l’objectif est d’identifier, à partir de l’analyse du mobilier scolaire existant, des pistes d’écoconception d’une prochaine génération dans le but d’en diminuer l’impact environnemental.
Pour la petite histoire
Au Québec, c’est à la suite du baby-boom dans les années 1950 qu’explose une première vague de construction d’écoles sur le territoire. Puis arrive le Rapport Parent, qui propose une réforme majeure de l’ensemble du système d’éducation en 1963. Cette poussée relance une deuxième phase de construction « plus réfléchie » qui s’estompera à la fin des années 1970.
Dans les années 1980, le système d’éducation québécois est l’objet de beaucoup de critiques. Mais ce sont surtout les compressions budgétaires engendrées par le « choc pétrolier » qui auront de lourdes répercussions sur les infrastructures caractérisées par la vétusté du cadre bâti, la désuétude des salles de classe et du mobilier scolaire.
Aujourd’hui, le parc scolaire québécois compterait plus de 3300 écoles publiques de niveaux primaire et secondaire, dont la majorité a été construite entre 1948 et 1973.
Évolution des pratiques et des besoins
Ainsi, la grande majorité des écoles ont aujourd’hui plus de 50 ans et elles sont arrivées à la fin de leur premier cycle de vie, d’un point de vue architectural. Ces infrastructures vieillissantes font face à plusieurs défis. Ce n’est pas tant la vétusté des bâtiments qui est en cause, mais leur adaptation aux fonctions scolaires qui sont en pleine transformation.
Pendant toutes ces années, l’organisation intérieure des écoles et le mobilier ont trop peu souvent été repensés en profondeur. Or, l’intégration d’élèves aux besoins hétérogènes, les avancées informatiques, l’essor de la culture numérique, la promotion de saines habitudes de vie, la qualité et la performance environnementale des bâtiments scolaires sont autant d’éléments qui ont un impact sur l’aménagement des lieux.
Et surtout, de nouvelles approches pédagogiques ou méthodes d’enseignement ont émergé. Du coup, l’aménagement des espaces physiques passe de la classe dite classique (en rang d’oignon), à la classe hybride pouvant contenir du mobilier scolaire et d’autres objets provenant d’ailleurs, jusqu’à la classe flexible comprenant du mobilier non scolaire. En plus des changements dans la provenance du mobilier, les places assignées à chaque élève disparaissent au profit de la classe flexible qui favorise le libre choix.
Ces nouveaux besoins et usages des utilisateurs commandent une profonde réflexion chez les architectes, concepteurs, designers et fabricants de mobilier. Des remaniements importants dans les façons d’occuper, d’aménager, de meubler et d’entretenir l’espace sont à prévoir.
Mobilier scolaire, aménagement des locaux et environnement
Dans la littérature, peu de travaux de recherche ont porté sur la relation entre mobilier scolaire et aménagement des locaux, vue comme un système. Le mobilier est souvent étudié hors de son contexte d’usage, sans consultation des besoins de la chaine des usagers (acheteurs, influenceurs, enseignants, élèves, gens de l’entretien, etc.), ce qui ne permet pas d’avoir un regard actualisé du milieu d’implantation. De plus, les notions de durabilité environnementale ne sont pas abordées.
Considérant les enjeux du contexte actuel et futur, l’objectif du présent projet de mémoire est d’identifier des pistes de réflexion pour l’écoconception du mobilier scolaire. Plus précisément, il s’agit de répondre à la question suivante : les manifestations et traces d’usure sur le mobilier scolaire existant peuvent-elles nous amener à des pistes d’écoconception dans le but de diminuer son impact environnemental? L’ensemble pupitre-chaise a été sélectionné parce que ces éléments de mobilier sont les plus sollicités et qu’ils se retrouvent en grande majorité dans les classes.
Approche méthodologique et résultats
Pour ce faire, nous avons procédé à un inventaire des manifestations et traces d’usure (bris, gravures, écaillage de la peinture, etc.) du mobilier scolaire dans quatre (4) écoles secondaires, ce qui représente plus de 2000 chaises et pupitres.
Parallèlement des entretiens de groupe ont été menés auprès d’une quarantaine de personnes dans différentes régions du Québec : personnel enseignant, de soutien (concierge, ergothérapeute, etc.), responsables des ressources matérielles et membres de la direction. Ces entretiens visaient à recueillir et à comprendre leurs perceptions de l’aménagement des locaux et du mobilier actuels et leurs attentes dans un monde idéal.
Les données descriptives d’usure du mobilier issues de l’inventaire seront classées et catégorisées selon les opportunités de design et d’écoconception qu’elles représentent. Quant à l’analyse des données découlant des entretiens, elle permettra de documenter et d’appuyer ces observations afin de mieux définir les critères d’écoconception.
Voici quelques pistes de réflexion que l’on peut entrevoir découlant du projet :
- Concevoir des produits modulables ou polyvalents pour répondre à divers usages;
- Utiliser des matériaux recyclables;
- Permettre le remplacement facile des pièces qui usent le plus fréquemment (ex. bas des pattes, plateau du pupitre, etc.);
- Repenser les mécanismes mobiles pour les rendre plus robustes;
- Etc.
Nous sommes confiants que les résultats peuvent nous amener à des pistes de réduction des impacts environnementaux lors de la conception de ces pièces de mobilier dans le futur. Certaines données pourront également constituer des critères d’achat pour les acquisitions et les appels d’offres, servir de guide pour une meilleure gestion de l’entretien et des inventaires, et ultimement, pour leur disposition en fin de vie! Ce projet de mémoire est en cours de rédaction et sera déposé au cours des prochains mois.
Pour en savoir plus
Schola.ca plateforme d’expertise en architecture scolaire
Gagnon, C. Côté, C. Coulombe-Morency, T., Rousseau, C., Gauthier-Pelletier, L., Landry, M-A. (2019, mars) Section mobilier dans : Les salles de classe des écoles publiques du Québec : Un portrait en 4 dimensions, Webinaire ouvert à tous. (voir à partir de 28 :20) Présentation repérée à https://www.youtube.com/watch?v=5lbKZMfqfHA
L’ABC de la rénovation scolaire au Québec
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Laurent Gauthier-Pelletier a joint les rangs de l’IDP en 2021 à titre de chargé de projets en développement de produits et développement durable. Ce jeune designer de produits fait montre d’une grande polyvalence dans les champs de compétence que sont les processus de conception des produits, la recherche en design et le développement durable. Sa vision systémique des problèmes de design, sa capacité d’écoute et sa rigueur en font déjà un collaborateur efficace et apprécié.
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