Par David Fauteux, ing., conseiller à l’IDP
Ça y est, le buzz est là, les startups ont le vent dans les voiles! Que ce soient les gouvernements, les municipalités ou les différents organismes voués au développement économique, tous déploient des mesures de soutien à l’entrepreneuriat. Montréal n’est pas en reste avec un des meilleurs écosystèmes de startups au monde. Qu’en est-il au juste et point de vue de Patrick Gagné, pdg de OSMO et administrateur de Bonjour Startup Montréal.
Malgré plusieurs variantes, il y a un certain consensus quant à la définition d’une startup : il s’agit d’une entreprise de moins de cinq (5) ans dont la technologie numérique et l’innovation sont au centre d’un modèle d’affaires axé sur un fort potentiel de croissance. À Montréal, on retrouve des startups dans différents domaines d’excellence tels que l’aérospatial, les sciences de la vie et les technologies de la santé, les jeux vidéo, les technologies numériques de même que dans les secteurs de l’économie sociale.
Selon le « Portrait de l’écosystème startup montréalais » réalisé en 2016, il y aurait entre 1800 et 2600 startups en activité. Ces entreprises représentent une communauté de près de 6000 fondateurs et plus de 10 000 personnes travaillent dans cet écosystème. Les retombées directes et indirectes sont estimées à plus de 700 millions $ annuellement. Dans la métropole, le Mile-End, le Vieux-Port et le Centre-Ville sont les principaux pôles où la concentration de startups est la plus élevée.
Profil des fondateurs
Toujours selon la même source, les fondateurs de startup sont surtout des hommes (80 %) comparativement à 20 % de femmes. Si l’on se fie à leur âge moyen, 33 ans pour les hommes et 29 pour les femmes, on est loin de l’image de l’étudiant au premier cycle universitaire ou de l’entrepreneur ayant quitté tôt le parcours académique standard. D’ailleurs, 38 % des fondateurs ont vécu une expérience en entreprise avant de se lancer dans leur projet d’entrepreneuriat.
Chez ces fondateurs, 38 % détiennent un baccalauréat et 29 % une maîtrise ou l’équivalent. Seulement 9 % d’entre eux n’ont qu’une formation collégiale. Quelque 45 % des fondateurs ont étudié en commerce, gestion ou administration publique. La majorité des startups comptent entre 1 et 10 employés (70 %); à peine 1 % en comptent plus de 100.
Principaux acteurs
Dans cet écosystème, plusieurs types d’acteurs offrent un soutien essentiel à la communauté startup de Montréal, tels les groupes d’intérêt, les grappes, les incubateurs, les accélérateurs, les universités, les organisations gouvernementales et paragouvernementales, les organismes sans but lucratif, etc.
En première ligne, les incubateurs et accélérateurs offrent aux fondateurs des programmes pour mieux structurer leur entreprise et leur produit afin d’être en bonne posture pour affronter les marchés. D’une part, les incubateurs permettent aux startups de raffiner l’idée, valider le marché et établir les fondations du projet. Leurs programmes s’échelonnent généralement sur plusieurs mois. D’autre part les accélérateurs, dont les programmes sont plus cours et intenses, visent à accélérer la commercialisation du produit. Alors qu’auparavant ces organismes avaient tendance à se spécialiser dans un programme, ils ont aujourd’hui une offre qui évolue selon la maturité des startups ou leurs étapes de croissance.
Parmi les institutions qui contribuent à la réputation de Montréal, mentionnons la Fondation OSMO et la Maison Notman, le CEIM, InnoCité MTL, le CENTECH associé à l’ÉTS, District 3 de l’Université Concordia, EcoFuel, l’Esplanade, etc. L’offre de soutien est en constante croissance et cible de plus en plus des secteurs spécifiques afin d’offrir un soutien plus adéquat. Notons par exemple La Piscine, dédiée aux projets créatifs et culturels, et le MT Lab consacré aux innovations dans le secteur du tourisme, de la culture et du divertissement.
Alimenter le pipeline
En 2018, le gouvernement du Québec lançait sa stratégie « Oser entreprendre », un vaste plan d’action pour stimuler et soutenir l’entrepreneuriat au Québec. Doter chaque région du Québec d’un pôle d’innovation, voilà une des mesures prônées dans cette stratégie. À Montréal, OSMO et la Fondation Montréal Inc. se sont vu attribuer le mandat de mettre en place ce pôle d’innovation pour la métropole. C’est ainsi qu’est née en janvier dernier l’initiative Bonjour Startup Montréal.
Lors du récent Sommet de l’IDP, dont le thème était « Innover comme une startup », Patrick Gagné, pdg de OSMO et administrateur de Bonjour Startup Montréal, a présenté les objectifs stratégiques de cette nouvelle entité. Nous avons également eu l’opportunité de nous entretenir avec lui. Voici sa vision.
Q. Comment Montréal se positionne-t-elle par rapport à d’autres écosystèmes de startups à travers le monde?
R. Notre écosystème est passé du 20e rang en 2015 au 44e selon Startup Genome, l’organisme qui recense les écosystèmes startups de villes à travers le monde et permet cet étalonnage. Ce ne sont pas de grosses villes qui poussent Montréal vers le bas mais des villes de taille comparable telles que Tel Aviv (10), Stockholm (14) Vancouver (15) Toronto (16) Sydney (17) et Amsterdam (19). La compétition entre les villes est devenue plus vive. Pourtant, Montréal a tout ce qu’il faut pour réussir : un grand bassin d’étudiants, la créativité, la fibre entrepreneuriale, une excellente offre de soutien, un écosystème qui se structure pour atteindre une meilleure vitesse. Il n’y a donc aucune raison pour que notre ville ne soit pas dans le top 20 mondial au cours des trois à cinq prochaines années.
Q. Pourquoi l’écosytème de startups est-il si important?
R. Les startups sont le moteur de l’innovation. Elles génèrent d’importantes retombées économiques. Leur croissance et leurs sorties (appelées ‘exits’ lorsqu’elles sont vendues) peuvent générer des milliards et inciter ces nouveaux millionnaires à réinvestir dans l’écosystème. Plus on aura de millionnaires à Montréal qui réinvestissent, plus on aura un système qui s’autofinance dans le temps. Il faut savoir que l’écosystème de Tel Aviv est presqu’exclusivement financé par des donateurs, essentiellement des anciens entrepreneurs qui ont fait des sorties. À Montréal, il nous manque de donateurs; des Guy Laliberté, il nous en faudrait une centaine.
Q. Quelles sont les principales faiblesses de l’infrastructure actuelle?
R. Notre écosystème est fragmenté. Malgré un nombre important de startups, un réseau d’organismes de soutien assez étoffé et beaucoup de joueurs impliqués, il n’y a pas assez de coordination et de collaboration entre eux. Pour avoir un plus gros impact, il faudrait densifier l’écosystème. On pense qu’on est tissé serré, mais il faut l’être encore plus. Des lieux dans une ville où se rassemblent une centaine d’entreprises sous le même toit comme les CENTECH et la Maison Notman, il en faut plus. L’apprentissage par les pairs est super important; c’est un des signes vitaux d’un écosystème en croissance.
Et puis, autre chose, on n’est trop peu connecté à l’international. C’est important de développer nos marchés extérieurs ainsi que notre connexion avec d’autres écosystèmes de startups. C’est la principale force de Stockholm qui produit le plus grand nombre de licornes per capita après Silicon Valley! Pourquoi pas Montréal? Alors clairement, il faut mettre nos entrepreneurs dans l’avion et développer des affaires à l’extérieur du pays.
Q. Quelles sont les ambitions de Bonjour Startup Montréal à court terme?
R. Nous allons de plus en plus animer l’écosystème, faire travailler les différents acteurs ensemble, collecter et gérer la donnée pour mesurer sa performance, maximiser sa visibilité à l’international et faire les différentes représentations auprès des paliers de gouvernement. Il importe aussi de tisser des liens avec d’autres écosystèmes de startups pertinents à travers le monde et avec les pôles d’innovation régionaux au Québec. En jouant son rôle de chef d’orchestre, nous souhaitons avec cette entité bâtir un écosystème de calibre mondial durable, alimenter un pipeline d’entrepreneurs pour rendre la métropole plus compétitive à l’échelle mondiale.
Un mot sur le financement
Toujours selon le « Portrait de l’écosystème startup montréalais » de 2016, les startups considèrent que le défi du financement est la condition de succès la plus importante (74 %), avant même l’accès aux talents (37 %) et aux marchés (30 %). Si le financement de démarrage semble assez disponible, on reconnait une certaine difficulté à soutenir les phases de croissance, qui demandent davantage de capitaux. On recommandait donc dans ce rapport que « les fonds de capital de risque québécois joignent leurs efforts et créent des liens avec leurs contreparties au Canada et à l’étranger. »
Certains acteurs du milieu nous ont dit craindre la menace que peut représenter les fonds de capital de risque américains qui lorgnent du côté de nos entreprises. Plus agressifs dans leur gestion du risque et dotés de fonds substantiels (souvent des fondateurs ayant réussi), ils n’hésitent pas à financer massivement les entreprises en démarrage, lors des premières phases, même si les chances de succès sont plus faibles. Pris globalement, leur risque financier est compensé par le succès d’un petit nombre d’entreprises, espérant ainsi récolter quelques licornes (entreprises évaluées à plus d’un milliard de $).
Regagner le top 20 mondial
Il y a définitivement une effervescence entourant le renouveau entrepreneurial observé au Québec ces dernières années. L’écosystème de startups dynamiques et innovantes constituent un puissant moteur de l’innovation. Si vous avez assisté au Sommet de l’IDP, vous avez pu constater ce vivier de talents que constitue un CENTECH par exemple, cet accélérateur d’entreprises technologiques. Il faut donc alimenter le pipeline pour avoir un grand nombre de startups, les amener dans l’écosystème et soutenir leur croissance, pour devenir une grande entreprise.
Que vous soyez dirigeant d’entreprise, gestionnaire de l’innovation, consultant, fournisseur de services aux entreprises, posez-vous la question : que puis-je faire pour contribuer à l’essor d’un écosystème de calibre mondial? Comment mon organisation pourrait-elle bénéficier d’un rôle fort dans cet écosystème, d’une collision ou maillage avec ces grandes entreprises de demain? À vous de jouer maintenant…
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